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Tribune

Mobilisation générale pour l’automobile française !

Marc Ferracci(38)

Après un lent déclassement, l’automobile française fonce vers un déclin accéléré. Sa balance commerciale cumule 130 milliards d’euros de déficit depuis 2019, contre des excédents il y a 20 ans. Cette année, nos ventes égaleront celles de 1973 et la production celle de 1960. Ce bond en arrière, dont on peut tout craindre, pose un risque systémique immédiat. L’Allemagne et l’Italie viennent de prendre des initiatives claires pour sauver leur « auto », pendant que la France risque de s’enfoncer dans une sorte d’auto-dissolution.

Face à un mur d’urgences, agissons plus fort et plus vite !

Parlementaires, gardiens de l’intérêt public, mobilisez-vous : le renoncement à ce pilier culturel saperait une part vitale de notre pacte social. L’automobile emploie 14 millions de salariés en Europe, dont un million en France. Perdre encore 75.000 emplois* d’ici 5 ans n’est pas une fatalité mais un défi.

Réveillons-nous ! Berceau des R5 et de tant d’innovations, nous sommes une nation automobile. Rebondissons à partir de nos atouts dans les domaines clefs de la mobilité du futur !

Affaiblie, contestée, la filière peine à se réinventer. Les convulsions géopolitiques aggravent notre manque de discernement dans un monde fragmenté par les droits de douane. En une génération, les barycentres ont migré vers l’Est, les batteries, les algorithmes et les infrastructures.

Nos rivaux, compétiteurs de premier plan, sont de plain-pied dans ce nouveau siècle d’un univers de la mobilité en pleine expansion. Ils ont préparé de longue date leur domination – ce que nous n’avons pas fait en dépit des avertissements du rapport Draghi.

L’intensité, l’amplitude et la vitesse de cette rupture industrielle et servicielle peuvent nous submerger, ou, au contraire, nous stimuler.

La Chine dicte le rythme, engagée avec les Etats-Unis dans une compétition de haute intensité. Pour l’Europe, il s’agit de s’inscrire dans ce futur, où les besoins croissants en transports doivent s’accorder avec une indispensable transition écologique comme élément constitutif de souveraineté. D’ici 2030, un milliard de lignes de codes embarquées transformeront « l’auto-mobile » en smartphone sur roues.

À long terme, ces véhicules dits « étendus » atteindront une neutralité carbone absolue, une circularité totale de sa production à son recyclage mais aussi un effacement de l’accidentologie et de la congestion urbaine. Un écosystème de filières d’excellences va tracter des synergies à forte valeur ajoutée. Ceux qui maîtriseront leurs codes bénéficieront d’un impact économique lui-même très étendu : on le constate déjà sur les batteries, sous le large contrôle de la Chine qui n’a renoncé, par ailleurs, à aucun type de motorisation.

Les cartes sont rebattues, l’effort exigeant. La filière a aussi sa part d’échecs, et la Commission Européenne a entrepris – tardivement – de compléter le Green Deal d’une dimension économique. Ce pragmatisme va dans le bon sens, en remettant l’innovation avant la régulation. Reste à l’amplifier pour que l’Union assume sa volonté de puissance sans renier ses objectifs climatiques.

Bruxelles a également décidé avec lucidité d’avancer la « clause de revoyure » à cet automne 2025. Loin de signifier une logique de retardement, le réexamen de « l’Échéance » de 2035 offre au contraire une chance collective de cohérence. L’enjeu est en effet moins une date qu’un marché socle solide. Réunissons les conditions de succès d’une stratégie de décarbonation et de digitalisation de long terme, garantissant la prévisibilité et la soutenabilité des trajectoires à suivre pour le véhicule particulier, utilitaire et industriel.

Pour positionner l’Europe à l’avant-garde d’ici 10 ans, il faut conclure un Deal rassembleur avec les parties prenantes. Fondé sur un principe de diversité technologique, il doit prioriser des axes forts : protection du socle industriel, sécurisation des approvisionnement critiques, investissement massif dans les technologies, partage des données, promotion de la formation scientifique et manuelle, approche à 360 ° avec la distribution et la réparation, stimulation de la demande.

L’éléphant sur la route européenne ? Un parc de 260 millions de véhicules, dont 97 % à moteur thermique et hybride – soit 30 ans pour le renouveler dans sa totalité. Le réel cogne : la réussite de la transition énergétique prendra du temps. Elle implique des politiques inclusives et incitatives, profondément acceptées pour éviter l’impasse sociale.

Sans prix accessibles ni infrastructures suffisantes, le marché se débranchera. Car c’est la liberté de choix d’un consommateur responsable qui commande la chaîne de valeur. La direction à prendre : réaliser un électrochoc réglementaire pour simplifier drastiquement les normes, et bâtir une régulation robuste, de la production aux usages.

Pour la France, pays constructeur, l’enjeu est existentiel dans une compétition qui se durcit. Poissy, puissant symbole parmi tant d’autres, est là pour le rappeler. Nos écarts de compétitivité minent nos politiques publiques, brident l’esprit d’initiative, découragent les efforts en R&D, tandis que l’Europe de l’Est et le bassin méditerranéen montent en puissance.

Il y a la vérité des comptes d’exploitation, plombés par les coûts de conformité ou les factures énergétiques, et les fausses promesses d’un fiscalisme d’atmosphère. Alors que les prix Nobel de physique et d’économie viennent d’être décernés à deux chercheurs français, ne nous égarons pas ! Seule la performance de « Mistral » gagnants protège, et seul un vrai pacte productif peut rassembler les Français tout en finançant notre modèle social.

Choisissons : une baisse franche des charges sur la production et le travail, ou l’importation de véhicules conçus et produits ailleurs. La baisse de la CVAE annoncée par le Premier Ministre est un bon signal mais elle n’est pas suffisante : la mise à niveau de notre compétitivité est LA condition de la renaissance automobile française. Regagnons 5 points de part de l’industrie dans notre PIB : à nos élus de le rendre possible en trouvant les bons équilibres sans repousser les sursauts décisifs après 2027 !

Car nos salariés se surpassent. On ne peut pas – on ne doit pas – les laisser tomber : des gigafactories des Hauts-de-France à l’international, des usines aux ateliers, ils assemblent partout des nouvelles solutions. À leurs côtés, le Gouvernement a la responsabilité d’animer un volontarisme en effet « en rupture » avec des politiques trop segmentées, sources de surrèglementation et d’inertie.

Le commerce ne se fait pas avec des experts juridiques et des nouveaux malus chaque année !

Les pertes sont là, en chiffre d’affaires et en recettes fiscales – à rebours d’un chemin de croissance. Le mode « Commando » de Pompidou doit prévaloir : appels à projets innovants, expérimentations holistiques à grande échelle, notamment sur le véhicule autonome, homologations pour des automobiles d’un nouveau type.

La méthode : des décisions concertées et la qualité de leur exécution. La boussole : l’efficacité.

Déclenchons des initiatives : zones franches incitant à l’ancrage de productions « vertes », primes à la conversion accélérant le rajeunissement du parc, décarbonation d’un parc roulant de 40 millions de véhicules, valorisation des compétences en visant la création de 100.000 emplois qualifiés en 10 ans, et communications proactives sur les bénéfices de la transformation.

Cultivons nos champs de spécialisation : économie circulaire, énergie décarbonée, recyclage de batteries, IA et cybersécurité sont un terreau fécond de coopérations. La filière ne manque ni de talents ni de courage. Son moteur : la confiance !

Alors portons aussi un récit national positif ! Le Mans, Lyon, Equip’auto, Mondial…, partout nos salons sont pleins d’une énergie renouvelable. C’est celle d’une France en mouvement qui transmet savoirs et passions. Inspirons et formons les jeunes générations qui feront rayonner l’automobile à la française !

Dans cette reconquête, gardons donc ce qui vaut et changeons ce qu’il faut.

Vite.

MOBILIANS est une organisation patronale française, rassemblant 25 métiers de la distribution, des services de l’automobile et de la mobilité. Présidé par Francis Bartholomé, il représente 190.000 entreprises et 500.000 emplois. Il pilote avec ses partenaires sociaux la politique de la Branche professionnelle et de ses Institutions paritaires (formation, retraite, prévoyance, santé).

Automotive Mobility Europe (AME) est une association européenne fondée en janvier 2025 par 10 organisations professionnelles nationales de la distribution et des services de l’automobile. Elle est co-présidée par MOBILIANS et son homologue allemand, la Zentralverband Deutches Kraftfahrzeuggewerbe (ZDK).

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