À deux ans de l’élection présidentielle et six mois après la chute du gouvernement Barnier, une majorité de Français exprime un profond désespoir face à la situation politique du pays, selon le dernier baromètre réalisé par l’Institut Verian pour L’Hémicycle. Celui-ci est accentué par un pessimisme marqué quant à l’avenir économique du pays, mais leur propre situation. Ce climat négatif se double d’une prise de distance vis-à-vis des États-Unis depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.

Verian
Face à la situation politique actuelle, 39 % des Français disent ressentir du « désespoir », 38 % de la « colère » et autant de la « honte » : des niveaux émotionnels inquiétants, mais stablesdepuis décembre 2024. C’est ce que révèle le dernier baromètre sur l’actualité réalisé par l’Institut Verian pour L’Hémicycle, publié ce mercredi 7 mai (1).
Si la « colère » et la « honte » dominaient respectivement dans les électorats Rassemblement national (RN) et Nouveau Front populaire (NFP) en décembre 2024, le sentiment de « désespoir » a désormais pris le dessus : il touche 56 % des électeurs du RN et 48 % de ceux du NFP. Ce basculement émotionnel traduit une forme de résignation qui s’explique par « une accumulation de crises sociale, sanitaire, économique et climatique, et un sentiment qu’il n’y a pas d’issue possible, par manque de projets, de lisibilité de l’action politique et par manque d’incarnation », analyse Laure Salvaing, Directrice générale de l’Institut Verian.

La déception du camp macroniste
Chez les électeurs d’Ensemble, la coalition présidentielle, le sentiment dominant est différent : la « fatigue » et la « tristesse » (34 %) figurent désormais en tête. Un indicateur clair de lassitude, dans le camp macroniste, alimenté par l’érosion de la confiance et les tensions internes à la majorité. Ces chiffres résonnent comme un signal d’alerte pour un pouvoir exécutif qui peine à remobiliser sa base. « Chez les sympathisants Ensemble, qui ont cru à un modèle de leadership et à un projet économique, on ressent beaucoup de déception », argumente Laure Salvaing.
Premier élément explicatif à ce sentiment d’une France à l’arrêt : le pouvoir d’achat. L’inquiétude sur la situation économique, personnelle autant que nationale et mondiale, atteint un niveau record. Près d’un Français sur deux (49 %) estime que sa situation financière va se détériorer dans les mois à venir, soit une hausse de trois points depuis janvier. Ils ne sont plus que 10 % à croire à une amélioration. Le pessimisme est encore plus marqué concernant la situation de la France dans son ensemble : 73 % anticipent une dégradation de l’économie nationale, un chiffre en (forte) hausse de 7% par rapport au début de l’année. À l’échelle mondiale, 70 %des sondés prévoient une dégradation de l’économie planétaire, signe que le sentiment de crise dépasse les frontières hexagonales.
Inquiétude
Pour Laure Salvaing, cette situation est inédite : « Habituellement, si le tableau macroéconomique apparaît sombre, les Français font rempart avec leur propre situation, souvent perçue plus positivement. Désormais, cette barrière semble céder : l’inquiétude gagne aussi leur avenir économique personnel », explique-t-elle. Votés en janvier dernier, les efforts budgétaires prévus par le Projet de loi de finances (PLF) pour 2025, qui vise à ramener le déficit public à 5,4 % du PIB, « ne seront de toute manière pas suffisants » pour les Français, estime-t-elle, qui ont découvert cette question de la dette et du déficit public tardivement, en septembre ».
Sur les questions de défense, l’opinion est plus divisée. À la question de savoir si les États-Unis doivent rester impliqués dans la défense européenne, 40 % répondent oui, contre 44 % qui préfèrent une autonomie accrue de l’Europe. Les électeurs RN, LR et Ensemble y sont plutôt favorables (autour de 50 %), alors que seuls 34 % des électeurs du Front populaire souhaitent une implication américaine.
« Mise à distance » des États-Unis
Les relations affectives avec les États-Unis sont également en net recul. 68 % des Français déclarent ne pas être attachés aux États-Unis, et seuls 23 % s’en disent proches. Les différences sont très marquées selon les sensibilités politiques : la gauche affiche un rejet massif (85 %), suivie par le centre et la droite (environ 70 %). L’extrême droite, avec 57 % de détachement, est la plus conciliante. Selon Laure Salvaing, les Français entretiennent une ambivalence à l’égard des États-Unis : « Il y a une mise à distance des Etats-Unis dans le cœur des Français, contrebalancé par un sentiment d’interdépendance avec ce partenaire historique sur les sujets de sécurité et de défense », ajoute Laure Salvaing.
Concilier le pouvoir d’achat des classes moyennes, les exigences en matière de sécurité et le redressement économique du pays : voici un dilemme majeur, auquel les parlementaires font à nouveau face dans le cadre de l’élaboration du PLF 2026. Le Premier ministre, François Bayrou, s’est d’ailleurs déclaré favorable à l’organisation d’un référendum sur le budget.
(1) Cette étude a été réalisée auprès de 1000 personnes, qui ont répondu à une étude en ligne, du 26 au 28 avril 2025.