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Vive la French Tex !

À l’heure des transitions écologique et numérique, l’industrie textile française se transforme en profondeur. Forte d’un héritage unique, elle s’appuie aujourd’hui sur l’innovation, la montée en compétence et la RSE pour rester compétitive.

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Loin des clichés, l’industrie textile française s’impose aujourd’hui comme un acteur stratégique des grandes transitions économique, écologique et numérique. Héritière d’un savoir-faire séculaire, la filière se réinvente désormais autour de nouveaux leviers : automatisation, relocalisation, écoconception, matériaux intelligents… Bien au-delà de la mode, elle irrigue des secteurs aussi variés que l’aéronautique, la santé, l’ameublement ou la défense.

L’Union des industries textiles (UIT) fédère cet écosystème d’une étonnante diversité, dans lequel le secteur de l’habillement ne représente que 35 % du chiffre d’affaires total. Des entreprises emblématiques incarnent cette vitalité et portent haut les couleurs du made in France, alliant excellence et compétitivité.

Des champions français

À Colmar, en Alsace, Kermel est un exemple symbolique de cette excellence technique. L’entreprise conçoit une fibre non-feu de haute performance, utilisée dans les vêtements de protection des pompiers, des militaires ou encore des professionnels exposés à des environnements extrêmes. Forte de 120 salariés et d’un taux d’exportation supérieur à 75 %, Kermel poursuit son développement avec des matériaux innovants destinés à renforcer la sécurité des unités spéciales, notamment face à des menaces balistiques ou chimiques. Confort thermique, légèreté, résistance : chaque fibre allie innovation et exigence opérationnelle.

Plus au sud, en région Auvergne-Rhône-Alpes, Chamatex incarne une autre facette du textile français : celle de la performance sportive et de la technologie de pointe. Présente sur quatre continents, l’entreprise conçoit des matières techniques adaptées aux athlètes de haut niveau. Sa technologie Matryx®, issue de l’entrecroisement de fils de polyamide et de Kevlar®, donne naissance à des matériaux à la fois ultralégers, résistants et durables, utilisés notamment dans la chaussure de sport. Preuve de son engagement, Chamatex a inauguré ASF 4. 0, la première usine française de fabrication de chaussures entièrement robotisée. Une prouesse technologique qui marque aussi un tournant vers la relocalisation, rendue possible grâce à l’automatisation avancée.

Dans un tout autre registre, Fibertex, spécialiste du non-tissé, illustre la polyvalence du textile français dans les usages du quotidien. À partir de fibres courtes comme le polyester ou la viscose, l’entreprise produit des voiles consolidés par aiguilletage ou hydroliage, destinés à des applications aussi variées que les lingettes d’hygiène, les matériaux de construction ou les revêtements de sol. Si son savoir-faire est moins visible du grand public, il n’en reste pas moins essentiel à de nombreux secteurs. Trois exemples, trois univers, une même ambition : faire du textile français un pilier de la souveraineté.

La RSE comme boussole

Pour répondre aux exigences environnementales, économiques et sociétales, la filière n’a pas d’autre choix que d’évoluer. Avec l’UIT, l’Institut Français du Textile et de l’Habillement (IFTH), les pôles de compétitivité Techtera et EuraMaterials, ainsi que des centres comme le R3iLab ou le Centre Européen des Textiles Innovants, une dynamique nationale ambitieuse fait émerger des solutions à la fois écologiques et performantes.

La responsabilité sociétale et environnementale s’impose comme une boussole, avec des progrès notables dans la réduction de l’empreinte carbone, le recyclage des fibres, l’utilisation de teintures moins polluantes et l’économie cir–culaire. Les procédés à faible impact énergétique se multiplient : impression numérique sans eau, teinture à froid, limitation des microplastiques au lavage. Autrefois marginale, la revalorisation des déchets connaît une véritable effervescence, avec la pratique de l’upcycling comme levier de compétitivité, soutenu notamment par Techtera.

Le projet Deperflex II, conduit par l’IFTH entre 2018 et 2023, illustre cette alliance entre performance technique et transition écologique. Avec un budget de 3 millions d’euros, il visait à remplacer les résines perfluorées (PFAS), longtemps prisées pour leurs propriétés déperlantes mais désormais reconnues toxiques. Si des défis subsistent, ce programme a ouvert la voie à des alternatives plus durables, notamment pour les textiles oléophobes (qui repoussent les corps gras).

Le numérique, accélérateur de transformation

La digitalisation transforme aussi en profondeur le secteur. De la conception 3D à la chaîne logistique, les outils numériques renforcent la productivité, favorisent la traçabilité et la personnalisation. Grâce à un accord-cadre entre le ministère du Travail et Opcalia TMC, plus de 200 entreprises ont été accompagnées cette transformation, à travers la formation et l’équipement.

La convergence du design, de la recherche appliquée et des nouvelles technologies donne naissance à des matières intelligentes, connectées, biosourcées, thérapeutiques, ou encore à mémoire de forme.

Bien plus qu’un simple secteur économique, le textile est un vecteur d’innovation, d’emplois et de savoir-faire, au croisement des grandes transitions qui percutent la planète. Mais pour réussir, les professionnels doivent compter sur une reconnaissance politique, des investissements constants et une vision industrielle ambitieuse, où se croisent ingénierie de pointe, relocalisation, transition verte et excellence française. À ces conditions, la French Tex a de l’avenir. 

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