La diplomatie au plus haut niveau, la négociation multilatérale dans ce qu’elle a de plus frustrant ou salvateur, voilà ce qu’a connu entre 2014 et 2019 François Delattre en tant que représentant de la France auprès des Nations Unies, après avoir été ambassadeur à Washington et au Canada. Il livre ici ses réflexions sur la nécessité de réinventer un multilatéralisme au pied du mur.
Tout au long de ces dernières années, aux Nations Unies, vous avez vu le multilatéralisme se dégrader. Quels en ont été, selon vous, les moments les plus graves ? François Delattre : La tragédie syrienne en est, à mes yeux, l’illustration la plus dramatique. Tous les éléments du nouveau désordre mondial y sont réunis, sur fond d’un retour en force de la géopolitique entendu comme une compétition exacerbée entre les principaux acteurs : plus de puissance américaine désireuse – ou capable – de garantir en dernier ressort l’ordre international, comme on l’a vu dès le refus des États-Unis de répondre aux attaques chimiques syriennes en août 2013 ; pas de système multilatéral adapté au nouveau monde multipolaire, comme l’a montré un Conseil de sécurité paralysé par la multiplication sans précédent4555