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Quel renouveau industriel pour l’Europe ?

Pour rivaliser sur la scène mondiale et relever les enjeux de compétitivité et de développement durable, l’industrie européenne cherche à se réinventer. Concurrence exacerbée, hausse des couts de production, investissements, innovation, réindustrialisation, réglementations contraignantes… les défis à affronter sont complexes. C’est le sujet qui a animé une conférence entre experts, spécialistes et députés européens, organisé par L’Hémicycle et l’Avant-Garde Foundation, mercredi 12 février à Strasbourg, à l’occasion de l’assemblée parlementaire du Conseil de L’Europe.

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Entre juillet 2023 et juillet 2024, la production industrielle a diminué de 2,2 % dans la zone euro et de 1,7 % dans l’Union européenne (UE). Cette « dilution de l’image de la puissance de notre économie et de notre industrie », selon Éric Revel, directeur de la publication de L’Hémicycle et économiste, est le résultat d’une combinaison de facteurs économiques, géopolitiques et technologiques. La crise énergétique, la hausse des coûts de production, la pénurie de certaines matières premières, les tensions commerciales mondiales et la « guerre informationnelle menée par des États intra et extra-européens », ajoute Jade Dousselin, avocate au Barreau de Paris, ont mis à mal la compétitivité de l’industrie européenne.

Toutefois, des signes positifs émergent, notamment grâce à une série d’initiatives stratégiques visant à insuffler un vent de renouveau. « Désormais, les politiques et les chefs d’entreprise sont plutôt d’accord sur les solutions pour réindustrialiser la France et l’Europe », constate Julie Rechagneux, députée européenne du Groupe Patriotes pour l’Europe et membre de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie. Priorité affichée : la réindustrialisation de l’Europe se heurte souvent à un sentiment paradoxal dans l’opinion publique. « D’un côté, la réindustrialisation est perçue de manière très positive, comme vecteur d’emplois, décrypte Laure Salvaing, directrice générale de l’institut de sondages Verian France. Mais de l’autre, lorsqu’on leur demande s’ils seraient prêts à accueillir une usine près de chez eux, les Français éprouvent des réticences. » Cette contradiction souligne un défi majeur : comment relancer l’industrie en cohérence avec les préoccupations environnementales et sociales des citoyens ?

De gauche à droite : Laurent Castillo, député européen PPE, Julie Rechagneux, députée européenne Patriotes pour l’Europe, Eric Revel, directeur de la publication de L’Hémicycle, et Jean-Paul Laborde, ancien sous-secrétaire général de l’ONU.

L’innovationclé de la compétitivité européenne

Face à la concurrence mondiale, l’innovation est devenue une impérieuse nécessité pour rester compétitif tout en respectant des normes environnementales et sociales élevées. Yannick Biyong, secrétaire général de l’Avant-Garde Foundation, fonds de dotation à but non lucratif,dont l’objectif est de bâtir de nouveaux imaginaires positifs pour tous, le rappelle : « L’industrie représente 13% du PIB européen et 80% de nos innovations découlent du secteur industriel. L’industrie aujourd’hui, c’est l’innovation responsable. » Pour s’imposer comme un acteur global, l’industrie européenne doit donc réussir à marier la recherche technologique avec des pratiques respectueuses du développement durable. Isabelle Le Callenec, députée européenne du PPE, souligne cette nécessité d’investir dans des secteurs stratégiques, tels que « la biotechnologie, la robotique ou l’Intelligence artificielle ».

Isabelle Le Callenec, députée européenne PPE, lors de la conférence sur l’avenir de l’industrie européenne, le 12 février 2025, à Strasbourg.

Le secteur de l’industrie pharmaceutique illustre cette quête de souveraineté et de réindustrialisation. Laurent Castillo, député européen PPE et médecin, dénonce ainsi la délocalisation de la production pharmaceutique, un phénomène qui a mené à la perte desouveraineté sanitaire de l’Europe : « Nous avons perdu notre souveraineté sanitaire, et le Covid-19 a été le symbole de notre déclassement », regrette-t-il. Pourtant, il garde espoir, soulignant que « l’Europe est un gros marché. Nous avons des talents, des chercheurs ». Des ressources qui pourraient permettre de reconquérir ce secteur stratégique.

Une nécessaire simplification

Autre contrainte majeure : les normes et règlements européens, souvent perçus comme des freins à l’investissement et à l’innovation. « Aujourd’hui, la réglementation est un obstacle à la réindustrialisation européenne », alerte Eric Revel. De son côté, Jean-Paul Laborde, ancien sous-secrétaire général de l’ONU, plaide pour une approche plus stratégique : « Le point de la norme, c’est l’équilibre. Nous devons avoir une stratégie, une vision de la norme. La vision avant la réglementation. » La réglementation doit ainsi être repensée pour permettre à l’industrie européenne de se moderniser et d’être plus compétitive. « Durant mon mandat, je vais pousser tout ce qui va dans le sens de la simplification, pousser à l’innovation, appuie Isabelle Le Callenec. J’espère que nous aurons des propositions concrètes de la commission européenne, également en termes de souveraineté énergétique. »

Pour Nicolas Pereira, président du World Impact Summit, événement éco-responsable sur la transition écologique qui se tiendra à Bordeaux les 25 et 26 mars, la norme pourrait devenir un facteur de différenciation de l’Europe face à ses concurrents chinois et américains, dans un monde où le réchauffement climatique, qui bouleversera nos écosystèmes, nos cultures et nos productions, continue de s’intensifier : « Il faut être fier de nos industries, qui ont su se développer dans un environnement social et environnemental supérieur aux autres. Il faut protéger cette force et construire des barrières à l’entrée », développe-t-il.

L’avenir de l’industrie européenne repose donc sur une triple ambition : réindustrialiser sans ignorer les préoccupations sociales et environnementales ; innover de manière responsable pour assurer la compétitivité ; et adapter les réglementations afin favoriser l’investissement sans compromettre le développement durable. Si des obstacles demeurent, les solutions restent possibles. A condition de privilégier une approche intégrée, où la souveraineté industrielle, l’innovation et la régulation s’équilibrent. Le défi est de taille. Mais il constitue également une occasion unique de redéfinir une stratégie pour l’industrie européenne, pour le XXIe siècle et au-delà.

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