Le vol des bijoux de la coursonne au Louvre est un événement qui interpelle par le bruit médiatique qu’il génère. Au-delà du goût manifeste pour le sensationnel dont ils procèdent, les médias traitent abondement ce qui s’est produit : conditions rocambolesques de l’effraction, mode opératoire spectaculaire, évaluation et expertises du préjudice… l’émotion que suscite l’intrusion dans la galerie d’Apollon nous replonge dans une sorte de psychodrame à l’instar de ce que nous avons vécu au moment de l’incendie de Notre dame de Paris. Les feux des diamants de la monarchie ont ainsi embrasé tout l’espace, et en faisant flamber les imaginaires, nous posent quelques questions plus profondes.
Il faut bien avouer que le bijou représente une forme de mystère dans l’inconscient collectif. Mystère de sa valeur d’abord. Pour la connaître, il faut faire confiance à celui qui vous vend un bijou pour en certifier le prix. L’expertise nécessite donc avant tout ce lien de confiance entre celui qui veut posséder et celui qui vend un bijou. Sait-on vraiment le prix des bijoux d’une femme… ? Son aura, son allure, son vécu se mêlent ainsi à leur estimation supposée, et la récente affaire de la déclaration des bijoux de la Ministre de la Culture montre à quel point cela reste une affaire de connaissance en gemmologie et de secret qui relève de l’intime. A partir de là, le bijou est une source de phantasmes qui fécondent de nombreux récits.
Le récit justement. L’affaire du collier de la Reine a pu montrer combien le bijou, et les diamants qui plus est, se sont trouvés au cœur d’une affaire d’Etat qui ont alimenté tant d’histoires abracadabrantesques. Cela pose alors la question de la signification du bijou et de son utilité sociale. Il est une manifestation de puissance, d’argent aujourd’hui et du pouvoir de l’argent, et de représentation du pouvoir hier. Les souverains, en arborant leurs parures, disaient la puissance de leur peuple, et le travail de joaillerie le haut degré de civilisation à laquelle ils appartenaient. Ce sont de véritables instruments de pouvoir, d’ailleurs les Regalia sont en eux-mêmes si précieux qu’ils peuvent être assimilés à des bijoux. En porter, signifiait donc affirmer son pouvoir par délégation du caractère exceptionnel de leur valeur, en même temps que d’exercer une forme d’attraction sur autrui. Au cas d’espèce, les bijoux de provenance royale dont il est tant question depuis quelques jours, sans que peu de Français en connaissent l’existence auparavant, restent comme des auxiliaires de ce pouvoir monarchique et donc de ce que fut la France. Ce qui a été volé au Louvre ne s’apparenterait-il pas à la grandeur perdue de la France ?
Ce vol patrimonial apparaît comme une violation de cette mémoire collective, et ce braquage historique est d’abord celui d’un héritage issu de l’Histoire de France. Ce qui choque, c’est le sentiment de la perte d’un bien commun, et de l’irrémédiable. Voir ces vitrines fracassées vidées de leurs trésors nous renvoie aux images désastreuses de Notre-Dame de Paris en Flammes. La contemplation de ce qui fut donne une impression de vertige : ne pas retrouver ces bijoux, potentiellement en grand danger de « démantèlement », c’est courir un risque, celui du trésor perdu, de la perte d’un souvenir commun, du deuil de la grandeur du pays.