Selon un sondage Kantar pour L’Hémicycle, les Français portent un regard positif sur l’Union européenne. Ce qui accroît leurs exigences.
A droite, Valérie Drezet-Humez et Jean Leonetti sur le plateau de Défis 2022. Photos : Frédéric Fornier.
Voilà un sondage qui tord le cou à certaines idées reçues sur la perception des Français vis-à-vis de l’Europe. Selon une étude exclusive de l’institut Kantar pour L’Hémicycle et Epoka (1), ils apparaissent moins eurosceptiques que les discours électoraux le laissent parfois entendre. Alors que la France a pris la présidence du conseil de l’Union européenne (UE), leur regard sur l’Union est globalement positif, même s’ils n’ont pas forcément une vision claire des enjeux. Ils expriment un besoin d’Europe, ce qui rend leurs attentes encore plus grandes.
Plus de 7 Français sur 10 déclarent, en effet, qu’il fait bon vivre en Europe ; 66% en sont même fiers. Ils se sentent majoritairement européens et sont attachés à l’Union, dont l’avenir, cependant, les inquiète. L’UE est d’abord perçue comme un espace qui « garantit la paix » (à 67%), signe que cette vision, qui a présidée à la création de l’Union, n’a pas disparu depuis la fin de guerre froide. D’autant que les tensions remontent en Ukraine face à l’ours russe et que la Turquie exerce une forte pression migratoire à ses frontières. « Il n’est pas vrai que la paix est une vieille lune ; y compris chez les jeunes, cela reste un des bénéfices associés à l’Europe, confirme Emmanuel Rivière, directeur international de Kantar. Plus le monde est menaçant, plus on est obligé de constater que la paix existe. » Pour la moitié des répondants, l’UE a justement la taille critique qui permet de parler d’égal à égal avec les grandes puissances, en clair de leur résister. « Les Français perçoivent que ce n’est pas une option face aux grandes puissances, a observé l’ancien ministre des Affaires européennes, Jean Leonetti (LR), invité de l’émission Défis 2022, au cours de laquelle les résultats de l’étude ont été dévoilés en avant-première le 18 janvier. Ils adhèrent à l’Europe parce qu’ils sentent bien que c’est une même culture, une même civilisation de liberté et de démocratie. »
L’Europe leur apparaît ainsi comme le bon niveau de décision pour traiter les grands sujets du moment, tel que le réchauffement climatique, la défense des peuples et des frontières ou la politique commerciale. Aussi, l’appartenance de la France à l’Union la « rend plus forte » pour 43% des personnes interrogées – tandis que 23% d’entre eux pensent, au contraire, qu’elle l’affaiblit. Alors qu’on la dit éloignée des citoyens, l’UE est une réalité qui a des répercussions concrètes pour la moitié d’entre eux, au premier rang desquelles la possibilité de voyager (85%), d’envoyer ses enfants étudier à l’étranger (64%) et même la qualité des produits consommés (53%). « Démystifier tous les messages qui courent sur l’Europe, pour que les réalisations européennes soit sous les yeux de chaque citoyen européen, la Commission y travaille chaque jour », a commenté Valérie Drezet-Humez, cheffe de la représentation de la Commission européenne en France, lors de Défis 2022.
Tout n’est pas rose pour autant, loin de là. L’impact de cette appartenance est perçu comme majoritairement négatif s’agissant du coût de la vie (52%) – un sentiment dominant depuis la mise en place de l’euro – de la protection de l’emploi en France (52%) et du prix de l’énergie (51%) – qui flambent depuis l’automne dernier. « On entend beaucoup de reproches contre l’Europe, mais parce qu’il n’y a pas assez d’Europe, a souligné, pour sa part, Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne, lors de Défis 2022. Ainsi, l’euro, en tant que monnaie, a parfaitement réussi. Elle est la seconde du monde, très loin devant la troisième, mais elle n’est pas au niveau du dollar car elle n’est pas, comme aux États-Unis, la monnaie d’une fédération. »
Pour avancer, les Français semblent prêts à une Europe à deux vitesses, comme l’a proposé Emmanuel Macron à plusieurs reprises. La moitié d’entre eux considèrent que des États membres devraient pouvoir travailler ensemble même si certains ne le veulent pas. Sur le plan politique, le président bénéficie de son positionnement pro-européen affirmé : il arrive largement en tête sur sa capacité à mener la meilleure politique européenne pour la France : 47% des Français lui font confiance, contre 34% à Valérie Pécresse.
(1) Les Français et l’élection présidentielle. L’enjeu de l’Europe dans la campagne. Échantillon national de 1000 personnes représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus, interrogées en ligne entre le 5 et 10 janvier 2022. Méthode des quotas.