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Coupe du monde 2022

Aspire Academy : l’école qui monte en puissance

Pour devenir une nation émergente du sport, le Qatar s’est appuyé sur son centre de formation moderne. Un travail de longue haleine depuis bientôt deux décennies.

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L’équipe nationale du Qatar ne s’est pas faite en un jour. Dans ce petit émirat qui compte un peu moins de trois millions d’habitants, dont seulement 400 000 nationaux, il n’est pas évident de faire émerger une sélection compétitive, encore plus avec la pression du pays hôte de la Coupe du monde de football 2022. Si la fédération qatarie de handball a pu bénéficier, lors du Mondial organisé en 2015, des largesses des changements de nationalité pour faire venir des joueurs des quatre coins du monde, le ballon rond fait l’objet, de son côté, de conditions beaucoup plus restrictives. Les contraintes ont certes été assouplies récemment par la FIFA, mais les dirigeants qataris étaient dans l’obligation de monter une équipe en s’appuyant sur les forces vives du pays. Afin de parvenir à ses fins, Doha s’est appuyée sur l’Aspire Academy, un centre de formation qui puise dans des infrastructures et un personnel performants – même si l’équipe nationale a été éliminée au premier tour du Mondial.

Fondée en 2004, cette institution s’est rapidement fait un nom au cœur de la capitale qatarie. Pour l’un des conseillers principaux de l’Aspire Academy, Bora Milutinovic, sa montée en puissance s’appuie avant tout sur une vision à long terme. Si des moyens colossaux ont évidemment été injectés dans ce projet, l’ancien sélectionneur du Mexique soulignait, dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, l’importance de se donner du temps pour parvenir à bâtir une véritable équipe : « L’argent est important, mais ce qui compte le plus, c’est la vision. Et les Qataris ont une vision. Le projet, ici, est uniquement de former des joueurs qataris. Il faut être patient pour voir les résultats et ne pas comparer avec ce qui se fait ailleurs ».

Félix Sánchez Bas, l’architecte venu de Catalogne

Pour atteindre cet objectif ambitieux, le Qatar s’est tourné vers des experts du monde entier – largement rémunérés. Sur le banc de sa sélection pour la Coupe du monde 2022, on trouve Félix Sánchez Bas. Ancien entraîneur des jeunes du FC Barcelone, le Catalan a été recruté en 2006 pour en prendre les commandes. Avec son vécu à la Masia, le centre de formation du Barça, reconnu comme l’une des meilleures académies au monde, Sánchez Bas avait pour mission de conduire les jeunes Qataris à l’élite. Technique, vitesse d’exécution, intelligence de jeu, sens du collectif : les grands principes sont là. « J’ai travaillé pendant de nombreuses années chez Aspire, et cette académie va de pair avec notre fédération, souligne-t-il. C’est un projet à long terme très réussi, et dans le football, il n’y a généralement pas de patience pour soutenir ce type de projet. Sans cette structure, nous n’aurions pas pu donner cet apprentissage aux joueurs dès leur plus jeune âge. Le fait que tant de joueurs soient ensuite arrivés en sélection A est l’un des meilleurs signes de notre travail. »

Après avoir dirigé l’Aspire Academy pendant sept années, le technicien espagnol prend les commandes des U19 du Qatar en 2013. Et les titres suivent : en 2014, les Al-Annabi deviennent champions d’Asie chez les moins de 19 ans, avec de nombreux joueurs issus de l’académie. Fort de sa réputation de formateur et surtout d’entraîneur qui obtient des résultats, Félix Sánchez Bas prend ensuite les commandes de l’équipe A du Qatar en 2017. La dynamique ne change pas : les Al-Annabi sont sacrés en Coupe d’Asie des nations de football deux ans plus tard. Et, encore une fois, on retrouve au sein de cet effectif plusieurs anciens pensionnaires de l’académie.

Si Aspire peut mesurer le chemin parcouru depuis 2004 en termes sportifs, son rôle en matière d’éducation est une autre de ses ambitions. La structure qatarie souhaite en effet donner le maximum de compétences et d’avenir professionnel à ses membres. Tous ne deviendront pas des sportifs de haut niveau et, dans cette perspective, les dirigeants s’efforcent de former ceux qui pourraient constituer la future élite du pays. « Il y a une corrélation directe entre l’éducation et le développement des jeunes joueurs, expliquait Arsène Wenger lors d’une conférence. Par exemple, les vingt meilleures équipes au classement FIFA ont le meilleur système éducatif, qui va au-delà d’identifier les talents, de les développer à l’entraînement et d’avoir les meilleurs éducateurs possibles. »

Une médaille d’or lors des derniers JO de Tokyo

D’ailleurs, ce centre de formation ne se limite pas au ballon rond et se penche sur d’autres terrains. Le meilleur exemple reste Mutaz Essa Barshim, champion olympique du saut en hauteur à Tokyo, en 2021, et pur produit de l’Aspire Academy. Avec six terrains extérieurs, sept terrains d’intérieur et un dôme pouvant accueillir jusqu’à 13 sports différents (dont le tennis de table, le tir à l’arc, la gymnastique et l’athlétisme), le lieu permet à chaque jeune sportif d’y trouver son compte. L’Academy abrite aussi des amphithéâtres, des salles de classe, des laboratoires, une bibliothèque, un amphithéâtre, des dortoirs, des lieux de loisirs et un centre médical : l’endroit se veut multifonctionnel pour ses pensionnaires.  

En tout, soixante nationalités se côtoient au quotidien entre les enseignants, les médecins, les entraîneurs ou encore les scientifiques. Ainsi, la structure est aujourd’hui dirigée par un Espagnol, Ivan Bravo, ancien dirigeant du Real Madrid. La personne en charge de la performance est un Italien, Valter Di Salvo, tandis que le directeur stratégique est un ancien membre du groupe Red Bull, l’Autrichien Markus Egger.« L’Aspire Academy est un complexe sportif qui accueille et forme des athlètes du monde entier, et le travail mené ici en dit long sur le grand engagement du Qatar envers le sport et l’avenir de ses jeunes », indique ainsi Thomas Bach, président du CIO, sur le site Internet de l’organisme. Au-delà de la Coupe du monde organisée à domicile, le Qatar compte sur cette académie pour concurrencer ses voisins, mais aussi les autres pays, dans les compétitions sportives. Plus de 360 athlètes professionnels ont été formés depuis sa création.

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