Le 23 mai, le président exécutif du groupe Saur, était l’invité d’Éric Revel, pour parler d’un enjeu vital, l’eau, dont l’entreprise est l’un des principaux fournisseurs en France et à l’étranger.
Photographie : Aurélien Bacquet
L’eau s’est invitée dans l’actualité. Depuis la grande sécheresse de 2022, la quantité d’eau disponible est devenue un sujet majeur, avec un niveau des nappes phréatiques qui inquiète jusqu’au sommet de l’État, ce qui a conduit le président de la République, à présenter, en avril, un « plan eau ». Cette ressource que l’on croyait infinie, du moins en Occident, se raréfie. L’enjeu est mondial, comme l’a souligné Patrick Blethon, président exécutif du groupe Saur, invité du Club de L’Hémicycle, le 23 mai. Troisième fournisseur d’eau potable, employant 13 000 personnes, cette entreprise s’est « réinventée » ces dernières années, en mettant la question de la ressource au cœur de ce qu’il appelle la « transition hydrique ».
Si le grand public découvre, soudain, que l’eau manque, les professionnels observe le phénomène depuis longtemps. « Quand on observe, sur une carte de France, l’évolution des ressources depuis une dizaine d’années, on mesure bien le risque de pénurie auquel on est confronté : il y a dix ans, tout était quasiment au vert ; les zones sont de couleur jaune et orange, voire rouge à certains endroits, témoigne Patrick Blethon. L’été 2022 a été la première prise de conscience [de la rareté de l’eau] avec près de 35 départements en souffrance. L’été 2023 pourrait voir plus de 60 départements en souffrance d’eau ».
Avant de prendre la direction de l’entreprise, en 2019, cet auvergnat d’origine a travaillé sur tous les continents pour des groupes internationaux. En trois années, il a complètement transformé le modèle de cette entreprise jusqu’alors très hexagonale – « son marché était à 95% franco-français » –, qu’il a ouverte à l’international. 40% de son chiffre d’affaires s’effectue désormais à l’étranger, avec des ambitions aux États-Unis, au Canada et en Asie. « L’international nous a amené de l’innovation », dit-il. Les techniques que peuvent fournir leurs nouveaux marchés sont aujourd’hui décisives : « Ce que des pays ont fait, comme Singapour ou l’Arabie Saoudite avec la désalinisation, sont des choses qui vont arriver chez nous ». Parmi les innovations digitales lancées à son initiative, il cite Aquaverse, un incubateur collectif qui associe les données des secteurs privé et public pour en extraire des informations utiles à la transition hydrique et déterminer les besoins en eau dans les régions. Ces données, collectées sur les réseaux, permettront de gérer les réserves de demain.
A propos du plan eau présenté par le président de la République, il se dit « prêt à avancer avec le gouvernement », mais déplore la complexité du cadre législatif, trop lourd et qui ralentit les initiatives ou pire, les empêche : « Aujourd’hui, si vous voulez lancer un projet d’eau réutilisée, vous avez besoin de 37 signatures ! C’est un problème ».
Sceptique à l’idée d’augmenter les prix de l’eau, Patrick Blethon mise plutôt sur l’éducation et la responsabilisation, dès le plus jeune âge. Cela passe par l’apprentissage du grand cycle de l’eau aux enfants et la formation des agriculteurs, à l’image de l’accompagnement que Saur a mis en place pour les fermiers de la Somme. Malgré une prise de conscience tardive de la part du Vieux Continent, il ne s’alarme pas sur la disponibilité de la ressource en France : « On ne manquera pas d’eau parce que la prise de conscience est là, et qu’on a les moyens de réussir. Nous avons cette expertise en France. Exportons-là, et avançons aussi à la même vitesse sur l’ensemble de notre territoire ».
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