Alors que ChatGPT connaît un succès fulgurant chez les 13-25 ans, il est nécessaire de considérer l’IA comme une ressource pédagogique plutôt que comme un épouvantail, plaide le président du Collège de Paris, à l’initiative d’un ouvrage sur le sujet (1).
Les jeunes générations se sont massivement approprié les outils d’intelligence artificielle (IA) mis à leur disposition. D’après une étude réalisée auprès de ses utilisateurs par le réseau social Yubo, presque 80 % des 13-25 ans connaissent ChatGPT et 43,5 % en font un usage régulier. Selon leurs créateurs, eux-mêmes encore à l’âge des études supérieures, Polymnia a aidé 9 000 jeunes à préparer leur prise de parole et GoodLegal a accompagné 8 000 étudiants en droit à préparer leurs examens. D’où l’urgence de promouvoir, pour les générations à venir, une véritable« IA Éducative ».
Dès 2019, l’Unesco a mis en exergue les interconnexions entre l’intelligence artificielle et l’éducation lors d’une conférence, ce qui a abouti au Consensus de Beijing. Ce consensus a fermement établi que toute progression de l’IA devait être orchestrée par et pour l’homme, stipulant des axes majeurs d’application de l’IA dans le domaine éducatif : l’intégration de l’IA dans les stratégies éducatives, sa mise en service pour la capacitation pédagogique, et son utilisation pour améliorer les méthodes d’apprentissage et d’évaluation, tout en assurant une adoption équitable et inclusive.
Une IA utile
Le concept d’IA Éducative peut être défini comme la somme des applications actuelles et futures de l’IA dans l’éducation, axées sur une utilité pédagogique tangible. L’IA Educative, c’est l’IA utile, l’IA comme ressource pédagogique plutôt que comme épouvantail, l’IA au service des élèves. La réalisation de cette vision nécessite cependant un effort de formation à trois niveaux distincts : les décideurs pédagogiques, les maîtres et les élèves.
Les cadres pédagogiques doivent remodeler leurs méthodes d’enseignement en s’appuyant sur l’intelligence artificielle pour concevoir des parcours plus personnalisés. Les enseignants, au cœur de cette transformation, doivent maîtriser et intégrer ces nouveaux outils dans leurs approches pédagogiques. Les apprenants, sans nécessairement devenir experts, devraient acquérir une compréhension basique des principes sous-jacents de l’IA pour l’utiliser efficacement.
Il paraît vain de contrer les dérives de l’IA en freinant son développement : comment garantir qu’un moratoire décidé par une partie du monde sera appliqué sous d’autres cieux ? Mais démultiplier, grâce à l’éducation, dans le plus grand nombre de pays possible, des programmes qui rendent accessibles le fonctionnement de l’intelligence artificielle, ses potentialités et ses limites contribue à promouvoir une technologie « contrôlée par l’être humain et centrée sur lui », pour reprendre la formule de la conférence de l’Unesco.
Des implications immenses
L’un des domaines les plus prometteurs dans cette intersection est l’intelligence artificielle générative (IAG). En tant que branche de l’IA, l’IAG a la capacité de générer des contenus nouveaux, similaires à une production humaine. Ses implications à tous les niveaux de l’éducation sont immenses : les responsables pédagogiques peuvent se servir de l’IAG pour élaborer des programmes d’études ; les formateurs peuvent développer des matériels didactiques ; les élèves bénéficient d’un soutien dans leurs productions écrites.
L’adoption de l’IAG dans l’éducation représente davantage qu’une simple évolution technologique. En proposant des scénarios d’apprentissage sur mesure, en générant des contenus didactiques adaptés et en offrant des simulations immersives, l’IAG façonne un nouvel horizon pour une éducation optimisée.
Ce paysage en mutation redéfinit le rôle des entreprises technologiques éducatives (EdTech), poussant les acteurs de l’éducation à s’approprier l’IAG. Cela soulève des questions fondamentales concernant la perception de l’intelligence, les méthodes d’évaluation, le rôle de l’intelligence collective face à la machine et, finalement, la position de l’IA en tant qu’outil au service de l’humanité. Au service des jeunes, l’école se trouve à la recherche des communs entre intelligence artificielle, intelligence collective et intelligence individuelle.
(1) L’IA éducative. L’intelligence artificielle dans l’enseignement supérieur, sur une idée d’Olivier de Lagarde et Francis Marfoglia. Ouvrage collectif coordonné par Frédérique Guénot. Éditions Bréal, 2023.