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Économie

Le groupe Maif milite pour l’assurabilité 

Le premier assureur du secteur associatif estime que l’État doit tenir son rôle pour que le marché de l’assurance puisse continuer à couvrir les risque, selon son directeur général, Pascal Demurger, invité des « Décideurs engagés de l’assurance », une émission de l’Institut de formation de la profession de l’assurance (Ifpass), en partenariat avec L’Hémicycle.

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Difficile de voir des similitudes entre le propriétaire d’une résidence au bord de l’Atlantique et le maire d’une commune de la région lyonnaise. Et pourtant… Ils sont, ou seront, à moyen terme tous deux confrontés à une difficulté pour s’assurer. Le premier, pour couvrir son habitation et trouver un contrat d’assurance multirisque habitation, le second, pour protéger les biens de la collectivité qu’il administre. « C’est un vrai sujet politique, sur lequel je suis investi depuis plusieurs mois pour sensibiliser la profession au sein de France Assureurs et les pouvoirs publics, et promouvoir une logique de coopération et de mutualisation », déclare Pascal Demurger dans l’émission « Les décideurs engagés dans l’assurance » de l’Institut de formation de la profession de l’assurance (IFPASS), réalisée en partenariat avec L’Hémicycle. Pascal Demurger dirige le groupe Maif – sixième assureur automobile et premier assureur du secteur associatif avec 4,2 millions de sociétaires pour un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros en 2022 – et copréside Impact France, un mouvement d’entrepreneur qui veut mettre les enjeux économiques et sociaux au sein de l’entreprise. Il considère qu’à côté des assureurs, l’État ne peut et ne doit pas rester indifférent. 

Message reçu ? Le gouvernement a lancé deux missions avec, à la clé, des propositions concrètes. La première, sur l’assurabilité des risques climatiques, vient de rendre ses conclusions. Placée sous l’égide de Bruno Le Maire et de Christophe Béchu, respectivement ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et ministre de la Transition écologique, elle a été confiée le 26 mai dernier à Thierry Langreney, ancien directeur général adjoint de Crédit Agricole assurances, Gonéri Le Cozannet, expert au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et Myriam Merad, directrice de recherche au CNRS. La seconde mission, plus récente, sur l’assurabilité des collectivités locales poursuit actuellement ses travaux. Dans ce cadre, les mêmes ministres, auxquels s’ajoute Dominique Faure, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, ont demandé le 25 octobre à Alain Chrétien, maire de Vesoul (Haute-Saône), et Jean-Yves Dagès, ancien président de la Fédération nationale de Groupama, de réfléchir à des solutions pour sortir de l’impasse. 

Des territoires bientôt non assurables

Il est vrai que le temps presse. « Il y a 10% du territoire, en France métropolitaine, où les personnes risquent de ne plus pouvoir assurer leur habitation si on ne fait rien », s’alarme Pascal Demurger. Même son de cloche du côté des collectivités locales. Plusieurs d’entre elles – un quart des grosses communes – sont en train de renouveler leur contrat d’assurance pour quatre ans. Or, les négociations sont particulièrement tendues. « Dans un contexte de hausse des coûts des sinistres climatiques, mais aussi à la suite des émeutes de l’été dernier, qui ont fortement touché les collectivités, nous avons été contraints de revoir les conditions de nos contrats d’assurance pour préserver un modèle soutenable », affirme encore le directeur général du groupe Maif. 

La cause de cette quasi-rupture entre assureurs et assurés est connue. L’augmentation des sinistres due aux événements naturels qui n’est plus à démontrer. Une étude récente de France Assureurs estime que le montant de ces sinistres pourrait atteindre 143 milliards d’euros en cumulé entre 2020 et 2050, soit une augmentation de 93% par rapport à la période 1989-2019. Ce qui représente un coût supplémentaire de 69 milliards d’euros. Autre exemple, toujours selon France Assureurs, le montant des sinistres liés à la sécheresse pourrait tripler sur les trente prochaines années par rapport aux trente dernières années pour passer de 13,8 milliards d’euros à 43,3 milliards en cumulé d’ici à 2050. Ces sinistres sont dus aux sols argileux sur lesquels sont construits les maisons et qui ont pour caractéristique de gonfler quand ils sont humides et de se rétracter en période sèche. Or, ce phénomène de « retrait-gonflement de l’argile » fragilise les structures des maisons individuelles dont près de la moitié sont construites sur un tel sol. « Depuis quinze ans, en France métropolitaine, le coût des événements climatiques double approximativement tous les trois ans, glisse le coprésident d’Impact France. Or, une augmentation sur une durée régulière s’appelle une exponentielle. »

Des coûts en forte augmentation

À cela, il faut ajouter les violences urbaines de l’été dernier, dont le coût estimé par les assureurs des collectivités locales s’élève à 730 millions d’euros, selon France Assureurs. « La somme des événements climatiques, des violences urbaines, des dégradations et incivilités chroniques sur les bâtiments publics entraîne une augmentation très forte du coût pour les assureurs », déplore Pascal Demurger. 

Cette hausse a lieu alors que le marché assiste à des évolutions délicates. « Du fait, notamment, du développement de l’intelligence artificielle, les assureurs disposent aujourd’hui d’une masse de données sur lesquelles ils s’appuient pour prédire de manière extrêmement précise la probabilité de survenance d’un sinistre », reconnaît le directeur général du groupe Maif. En conséquence, des compagnies – « peu nombreuses, pour l’instant » – refusent d’assurer des maisons dans des zones à risque avéré. Et si ce mouvement s’intensifie, certains assureurs pourront souscrire les bons risques avec des tarifs plus bas en laissant les mauvais risques aux autres, un phénomène « d’anti-sélection », en quelque sorte, explique Pascal Demurger.  Le marché de l’assurance des collectivités locales connaît bien ce phénomène d’anti-sélection. Pour preuve, SMACL Assurances, filiale du groupe Maif, devrait enregistrer, en 2023, une perte de 127 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros. 

Dès lors, la hausse des tarifs devient la mesure incontournable pour rétablir l’équilibre des comptes des assureurs. Selon une étude de France Assureurs, l’assurance habitation devrait voir ses tarifs doubler d’ici à 2050, hors impact de l’inflation. Cette hausse intervient dans un contexte d’inflation forte sur fond de crise économique rampante. Des conséquences qui pourraient se révéler dramatiques sur la capacité des personnes les plus fragiles à s’assurer. Le produit d’assurance ressemblera alors… à un produit de luxe ! Il est urgent que l’État s’engage pour stopper cet engrenage infernal.  

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