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Alain Raoul : « Nous sommes les artisans de la cohésion sociale »

Le président de Nexem, la principale organisation d’employeurs du secteur social et médico-social à but non lucratif, tire la sonnette d’alarme sur le manque de moyens du secteur, alors que ses professionnels jouent un rôle majeur dans la construction d’une société solidaire.

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Le 24 octobre dernier, au premier jour de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), vous avez manifesté à proximité de Matignon et devant l’Assemblée nationale pour dénoncer le manque de moyens du secteur social et médico-social à but non lucratif. Avez-vous eu un retour de la part du gouvernement ? 

Alain Raoul Non, à date, rien de plus que les discussions déjà engagées. Dans le cadre du PLFSS, une enveloppe de 450 millions d’euros nous a été octroyée afin d’augmenter de 7% les salaires les plus bas. Mais, comme d’habitude, c’est au coup par coup, alors que nous réclamons un plan global pour sortir notre secteur de la paupérisation dans laquelle il s’enfonce depuis des années. Nous n’avons pas de ressources propres, puisque ce sont les pouvoirs publics qui nous financent. Or, les dotations sont insuffisantes depuis des décennies, alors que les besoins augmentent sans cesse. Je le clame haut et fort : la solidarité est en danger ! Il est urgent d’agir pour nos professionnels, qui sont laissés-pour-compte. Il y en a assez, des promesses non tenues, on ne peut pas construire une société solidaire sans ceux qui accompagnent les personnes les plus vulnérables. Nous sommes les artisans de la cohésion sociale. Les propositions du gouvernement ne sont pas satisfaisantes. Au moment de la crise du Covid, le président de la République nous avait rendu hommage, mais les paroles ne suffisent plus. Nous exigeons les crédits nécessaires pour rémunérer correctement nos professionnels. C’est pour eux que nous nous battons aujourd’hui.

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À combien s’élèverait ce plan ? 

A. R. Nous l’avons évalué à trois milliards d’euros pour mettre en place une nouvelle convention collective qui relèverait la grille des salaires – et faire en sorte que la prime Ségur de 183 euros net mensuelle profite à l’ensemble des professionnels de l’accompagnement. Le système exclut en effet les fonctions support – services administratifs, services généraux, personnels de direction… –, ce qui représente une réelle injustice. Nos salaires sont en moyenne 25% plus bas que dans les autres branches et les inégalités demeurent avec la fonction publique. Résultat, à poste équivalent, les professionnels préfèrent y travailler plutôt que chez nous. Ils veulent être rémunérés à la hauteur de leur engagement. 

Quels sont les besoins ?  

A. R. Il y a 50 000 postes vacants dans les métiers du social et médico-social à but non lucratif. Si rien ne change, ce sera pire puisque 200 000 salariés partiront à la retraite au cours de la prochaine décennie. Il arrive régulièrement que des personnes intéressées renoncent à cause du salaire. Plus grave, de plus en plus de professionnels quittent leur emploi faute de perspectives, notamment salariales – un départ sur deux est une démission. Comment attirer les candidatures alors que nous sommes systématiquement moins revalorisés que le secteur public ? Cette différence est insupportable. Au 1er janvier 2024, les infirmières hospitalières seront augmentées de 25% brut par mois lorsqu’elles travaillent la nuit, ce qui est très bien. La mesure va être étendue aux Ehpad, mais pas dans nos maisons d’accueil spécialisées pour handicapés, où les infirmières font le même travail. Nous demandons à bénéficier des mêmes revalorisations.  

Quelles sont les conséquences concrètes de ce manque de moyens ? 

A. R. Des associations parfois centenaires craignent, pour la première fois, de devoir mettre la clé sous la porte. Ce sont des maisons de retraite et des maisons d’accueil spécialisées qui, faute de moyens et de personnels, doivent réduire leur nombre de places ou renoncer à en créer, sans compter le logement social, qui est en panne. Avec de plus en plus de personnes fragiles, de moins en moins de personnels pour s’en occuper et des moyens financiers qui ne suivent pas, il est de plus en plus compliqué d’assurer la qualité de l’accompagnement auquel ont droit les plus vulnérables.  

Au-delà des moyens financiers, comment rendre les métiers du social et médico-social plus attractifs ? 

A. R. Dans nos métiers, nous ne soignons pas à proprement parler. La plupart du temps, nous accompagnons. Le grand public ne se rend pas compte de la place que tiennent nos professionnels dans la société car cette action n’est pas visible. L’opinion connaît bien l’hôpital, la santé, au sens sanitaire du terme, mais très mal le secteur social et médico-social. Nous prenons en charge 80% des personnes vulnérables en France, mais nous restons invisibles. Pourtant, chacun peut un jour ou l’autre devenir vulnérable. Accompagner une personne handicapée, une femme ou un enfant victime de violences a du sens. C’est la raison pour laquelle nous demandons aux pouvoirs publics de mettre sur pied une campagne nationale de promotion de nos métiers sur le modèle de ce qui se fait pour l’administration pénitentiaire ou l’armée pour révéler nos métiers, les valoriser et susciter des vocations.

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