L’ancien Premier ministre était l’invité de la journaliste Valérie Trierweiler.
Pour l’ancien Premier ministre, qui fut sénateur et dix-huit ans à la tête de la région Poitou-Charentes, c’est cette fonction de président de région qui lui a permis de mieux comprendre la France.
« Président de région, c’est assez idéal, car on est à la fois proche des réalités et en même temps, on peut faire de la stratégie avec les contrats de plan et des projets de long terme, dit-il. On n’est pas dévoré par le court terme comme on peut être dans une fonction gouvernementale. Beaucoup de nos problèmes ne peuvent se régler que quand on a le temps pour ami. Or, souvent, le temps est un adversaire. »
Interrogé sur le cumul des mandats, qui a été mis à l’agenda parlementaire le 14 mars par le groupe Horizons, il s’est montré favorable à l’idée de revenir sur son interdiction, votée par le mandat de François Hollande, en 2014. Mais uniquement pour les maires. « L’homme ou la femme le plus respecté en France, c’est le maire, déclare Jean-Pierre Raffarin. Aujourd’hui, il est exclu de la fabrique de la loi. C’est absurde que lui qui est le plus crédible, qui est le plus proche des gens, qui est là dans les mauvaises et les bonnes nouvelles, qui est au cœur même de la société n’ait pas le droit de siéger à l’Assemblée ou au Sénat. Je pense que le maire doit revenir dans la fabrique de la loi. Le risque majeur, c’est d’avoir deux classes politiques, une nationale et une locale, qui sont au départ déconnectées et ensuite en rivalité. » Selon l’ancien locataire de Matignon, il en est de l’unité du pays que le maire revienne dans son rôle de médiateur dans la République. « La République cassera s’il n’y a pas d’articulation, et le maire est le meilleur médiateur. »
À propos des élections européennes du 9 juin, qui devraient voir les forces populistes progresser, cet Européen convaincu affirme que le grand enjeu aujourd’hui, « c’est de ne pas sortir de l’histoire » : « Nous sommes dans un monde où les hyperpuissances ont repris la gouvernance mondiale entre leurs mains. Et donc si l’Europe n’est pas une puissance, elle sera un spectateur de l’histoire. On peut sortir de l’histoire dans cette tension entre les Chinois et les Américains : si cela se termine dans une guerre, on sera éliminé, mais s’ils se mettent d’accord, ils peuvent très bien le faire sur notre dos ; et là aussi, on peut être perdant. Il faut défendre l’Europe parce que nous sommes dans un monde qui est redevenu non pas qui cherche la globalité mais la puissance. Donc, il faut de la puissance. L’Europe a fait le choix du marché, mais le marché n’est pas une puissance. Le défi le plus important devant nous est la défense européenne. »
« Hélas, poursuit-il, la guerre en Ukraine est en train de troubler le jeu ». L’invasion russe fait deux victimes, selon lui : le peuple ukrainien, en premier lieu, et l’Union européenne, en second lieu, « parce que cette guerre injecte dans l’UE le virus de la division. Plus vous êtes proche de la Russie, plus vous avez peur de la guerre et plus vous appelez les Américains et vous rentrez dans l’Otan, comme l’ont fait les Suédois. »