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L’assurance, le révélateur de nos transitions

Elles disposent d’un poste d’observation imprenable sur la vie des Français. Par leur connaissance fine des enjeux, les assurances sont déjà un moteur des grandes transformations.

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Récemment, le risk comment fonctionnait, au juste, une mutuelle », relate un expert du secteur. Question moins bête qu’elle n’en a l’air, dans un contexte où le principe de mutualisation semble parfois tenir du miracle. « Des millions d’assurés partagent des risques en perpétuelle évolution, dans un monde soumis à des crises de toutes natures. Et le modèle tient », pose Olivier Lopez, professeur à l’ENSAE et codirecteur du master statistiques, finance et actuariat de l’Institut polytechnique de Paris.

La mutualisation, ou « la promesse d’amortir collectivement des risques intenables tout seuls », dixit le chercheur, suppose un large éventail de clients et de produits, la diversité étant essentielle au partage des risques à un tarif maîtrisé. L’assurance se place, dès lors, donc naturellement au cœur de la société, accompagnant les assurés à tout âge de leur vie, sous ses diverses dimensions santé, logement, mobilité, épargne, etc.) et dans toutes ses évolutions . « Le métier d’un assureur est d’avoir toujours un coup d’avance. Définir des scénarios moyens, modéliser, quantifier les risques et décliner le tout en un modèle économique accessible au plus grand nombre », résume Olivier Lopez.

Aux avants-postes

Les assureurs sont devenus experts de problématiques environnementales qui questionnent directement leur équilibre. Avec un coût global de 6,5 milliards d’euros(1) en 2023, « les sinistres liés au réchauffement climatique pourraient augmenter de 40 à 60 % dans trente ans, selon les projections », pointe le chercheur. L’une des difficultés étant que ces sinistres, amenés à monter en fréquence comme en sévérité, touchent plusieurs volets de leur activité : santé (pathologies liées à la pollution), habitation (inondations), ou encore automobile (tempêtes de grêle en augmentation).

Obligation est faite aux assureurs, dès lors, d’endosser plusieurs costumes. Celui d’actuaire, qu’ils connaissent par cœur, pour quantifier les futurs risques. Mais aussi celui de moteur du switch énergétique. Premiers investisseurs institutionnels d’Europe, ils financent déjà des domaines clés de la transition. Les placements verts des compagnies françaises représentaient 152 milliards d’euros en 2022, en progression de 17 % sur un an. Leur exposition aux énergies fossiles ne représente plus que 1,1 % des actifs gérés.

Ce rôle d’accélérateur passe aussi par des actions de prévention (lire article p. 10-11) et d’incitation encourageant les bonnes démarches : recours aux pièces détachées issues de l’économie circulaire pour l’automobile, réparation de biens plutôt que rachat (habitation), mobilité décarbonée, recyclage dans les entreprises, etc.

En parallèle, la transition démographique se poursuit, inspirant aux assureurs un éventail d’offres dédiées au « bien-vieillir » – également appelé, en langue assurantielle plus savoureuse, « risque de longévité ». Le tout en répondant à une jeune génération dont les besoins changent, que ce soit en termes de vie étudiante, de logement en colocation, de vie conjugale ou de mobilité.

Un autre type de risque peine à s’installer dans le débat public. 53 % des entreprises françaises ont subi une cyberattaque en 2023 (contre 48 % l’année précédente).(2) « Son coût explosera dans les années à venir. Les entreprises se rendent compte qu’elles sont encore peu couvertes. Au sein de la population, en revanche, la prise de conscience se fait attendre », alerte Olivier Lopez. Pointant qu’entre ordinateurs portables et télétravail, « l’hygiène cyber » ne saurait s’arrêter à la porte des entreprises.

La France, une vision à défendre

Tandis que les assurances s’emploient à ces transformations, une autre transition pourrait fragiliser le principe de mutualisation. Réglementaire, cette fois.

À l’échelle de l’Union européenne, les évolutions se succèdent : RGPD, DSP 2, AI Act, etc. Un point de vigilance des assureurs s’appelle désormais FiDA (Financial Data Access), dont le texte est actuellement en préparation. En englobant banque et assurance dans la même logique d’ouverture des données, FiDA pourrait bousculer le marché assurantiel. Dans bien des domaines, le partage de la data est sain, même souhaitable. « Les données font apprendre le risque, baisser l’incertitude et, par conséquent, le montant des primes », rappelle Olivier Lopez. Mais une ouverture mal calibrée pourrait aussi créer une brèche, laissant entrer des acteurs extra-européens lucratifs qui capteraient facilement les « bons » risques et délaisseraient les « mauvais », avec pour conséquences directes l’augmentation des tarifs et une exclusion des profils les plus vulnérables. « C’est sur un diagnostic erroné qui veut faire de l’assurance une simple commodité, que FiDA accélère la transformation des données des citoyens en actifs marchands, une aubaine pour les acteurs lucratifs. Cette démutualisation aura pour conséquence d’augmenter le coût de l’assurance et d’exclure des profils considérés à risque », prévient Jean-Philippe Dogneton, directeur général de la Macif.

À l’heure où s’ouvre une nouvelle mandature de la Commission européenne, la France a un modèle à défendre, dans lequel le plus grand nombre bénéficie d’un niveau de protection adéquat à un prix plus bas que dans bien des pays. Or, les débats ont lieu… maintenant. Plus que dans sa philosophie, FiDA suscite des inquiétudes dans sa mise en œuvre. Son calendrier a été accéléré, avec un texte prévu en 2025, suivi d’une période de vingt-quatre mois au terme de laquelle l’ensemble des acteurs devront être en conformité. Un rythme ambitieux, pour des changements si proches de la vie des gens.

(1) FRANCE ASSUREURS, RAPPORT ANNUEL 2023.
(2) RAPPORT HISCOX 2023.

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