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Économie

Les normes, amies ou ennemies ?

Elles sont malgré elles devenues le symbole de la complexité pour les acteurs industriels. En cause, un amoncellement de dispositions qui brouille la distinction entre la norme utile et un millefeuille réglementaire en augmentation chronique.

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À date, le nombre de mots pour dire les normes, sur Légifrance, s’élève à 44,1 millions. C’est pratiquement deux fois plus qu’il y a vingt ans. À tous les échelons, je veux débureaucratiser la France », posait Gabriel Attal dans son discours de politique générale. Il enfourchait ainsi un serpent de mer datant, au bas mot, de Georges Pompidou et son fameux « Arrêtez d’emmerder les Français » de 1966, pour aboutir au « Choc de simplification » de François Hollande en 2013 ou à la « Décomplexification » de Jean Castex en 2021. Autant d’aventures qui, à première vue, n’ont pas eu les effets escomptés : au cours des vingt dernières années, le Code de commerce a gonflé de 364 % et celui de l’environnement de 653 %, selon un rapport sénatorial publié en juin 2023. Lequel estime le coût de cette inflation normative à 60 milliards d’euros annuels.

La norme comme alliée

À leur décharge, on a pris l’habitude d’appeler « normes » des choses différentes. On y mélange fréquemment les normes volontaires, résultant d’un dialogue entre professionnels pour définir un bon produit, ou les règles du jeu d’un marché, et les textes réglementaires, qui créent une obligation ou une interdiction. « Un code-barres, une carte bancaire ou un téléphone qui fonctionnent partout dans le monde, c’est grâce à une norme. Et c’est utile ! », rappelle Guy Maugis, Président d’Afnor, dans une tribune aux Echos. Outre de veiller à la sécurité, la santé ou encore l’environnement, les normes peuvent se révéler efficientes sur le plan économique. En concoctant elle-même une bonne partie de celles du secteur automobile, l’Allemagne en a fait un bel avantage pour ses propres constructeurs. Comme la norme GSM, établie dès 1982 par l’Etsi (Institut européen des normes de télécommunications), qui n’est pas étrangère à l’émergence de leaders mondiaux issus de notre continent. « La norme est indispensable, mais elle doit devenir le moins souvent possible une obligation, c’est-à-dire une contrainte », rappelle Yves Laqueille, Directeur général du GIM (Groupe des industries métallurgiques de l’Île-de-France), plaidant en particulier pour des PMI et ETI qui ont une difficulté folle à assurer leur développement dans un paysage surchargé de réglementations, qu’elles émanent de directives européennes, du droit français ou, pire encore, des deux.

Net Zero Industry Act

Si les industriels voient dans la transition écologique des opportunités de marché, ils redoutent sa capacité à déclencher de la réglementation en cascade. Selon le Président de l’Institut de l’entreprise, Pierre-André de Chalendar : « L’Union européenne a mis des moyens financiers importants sur la table avec le Net zero industry act. Mais le système est trop complexe, avec trop de contraintes administratives », alerte-t-il dans les colonnes du Figaro. Au contraire des États-Unis et de la Chine, où transition rime plus simplement avec subventions. « L’Europe a un problème de méthode. Elle agit par une réglementation et des taxes, de manière excessive et incohérente », regrette Pierre-André de Chalendar. Il cite en exemple la directive CSRD (qui impose aux grandes entreprises d’établir
un reporting extra-financier), « beaucoup trop lourde pour les PME européennes ». Car si les petites industries en sont dispensées (pour le moment), difficile d’imaginer que cette nouvelle complexité ne les touchera pas. En tant que donneurs d’ordres, les grands groupes seront naturellement amenés à demander une somme d’informations à leurs prestataires. Que les petites structures devront bien leur fournir, qu’elles aient le temps et les ressources pour le faire ou pas.

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