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Politique

François Bayrou, une « promesse française » encore floue

Un mois après sa nomination à Matignon, le Premier ministre a prononcé sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, mardi 14 janvier. Menacé par les oppositions de gauche et d’extrême droite, il a livré les grandes lignes de la politique qu’il compte mener, en avançant prudemment.

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Quelle politique François Bayrou entend-il mener ? Avec quels alliés ? Ces questions, que depuis sa nomination à Matignon, le 13 décembre dernier, les Français et la classe politique se posent, et notamment la gauche socialiste qui a fixé ses conditions à un pacte de non-censure qui durerait jusqu’à l’épreuve fatidique du budget, restent, à l’issue de la déclaration de politique générale du Premier ministre, encore brumeuses. 

Face aux députés assis dans l’enceinte de l’hémicycle, le chef du gouvernement a prononcé son discours d’un ton quelque peu professoral et dans un calme, voire une apathie, qui n’ont été perturbés que par les élus La France Insoumise. Le centriste a d’abord enjoint les forces politiques de s’unir pour « forcer les issues ». Et, un peu plus tard, en a profité pour glisser une petite attaque à l’encontre de l’Insoumis en chef, Jean-Luc Mélenchon : « Je sais que c’est un homme cultivé et un stratège et je n’approuve pas la stratégie de tout conflictualiser qu’il mène », regrette-t-il. « Il n’y a pas de politiques sans risques il y a des politiques sans chance », clôturera-t-il son discours, citant Pierre Mendès France, une heure trente après l’avoir commencé.

Retraites : « une remise en chantier » de la réforme

Premier sujet épineux : celui des retraites. Condition sine qua non posée par le Parti Socialiste pour ne pas censurer le gouvernement, la suspension ou l’abrogation immédiate de la réforme des retraites conduite par Elisabeth Borne n’a pas été annoncée. A contrario, et conformément à la position tenue par son prédécesseur quelques mois plus tôt à ce même perchoir, François Bayrou accepte de remettre ce sujet « en chantier » avec les partenaires sociaux. Et ce dès vendredi, selon une méthode « inédite » et quelque peu « radicale », selon lui, démarche qui s’appuiera sur un constat « indiscutable » : il missionnera la Cour des Comptes d’établir « un état précis du financement des retraites » qui sera communiqué à tous les Français.

« La loi de 2023 a prévu que l’âge légal de départ passerait à 63 ans fin 2026. Une fenêtre de tir s’ouvre donc. Je souhaite fixer une échéance à plus court terme, celle de notre automne (…). Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite, – les fameux 64 ans – à condition qu’elle réponde à l’exigence fixée », a-t-il ajouté. Si un accord est trouvé entre les différentes parties prenantes, il sera adopté. Sinon, « c’est la réforme actuelle qui continuera de s’appliquer », a-t-il affirmé.

Cahiers de doléances et mesures démocratiques

François Bayrou a annoncé reprendre l’étude des cahiers de doléances présentés par Français à l’issue du mouvement des gilets jaunes afin que s’expriment « les attentes souvent les plus inexprimées qui sont celles des milieux sociaux exclus du pouvoir ». Le premier ministre a également annoncé la création d’un fonds spécial « entièrement dédié à la réforme de l’État », estimant que les « 1 000 agences ou organes de l’État constituent « un labyrinthe dont un pays rigoureux peut difficilement se satisfaire ». Ce fonds sera financé par des actifs « en particulier immobiliers, qui appartiennent à la puissance publique de façon à pouvoir investir, par exemple dans le déploiement de l’intelligence artificielle dans nos services publics », a-t-il précisé.

François Bayrou a également en ligne de mire, la « réconciliation » des Français avec les élus et les entreprises. Le Premier ministre a annoncé la création d’une « banque de la démocratie » afin que le financement des partis politiques « ne dépende plus de choix de banques privées, mais puisse éventuellement et en recours, être le fait d’organismes publics placés sous le contrôle du Parlement », a-t-il insisté. Il a également proposé d’avancer « sur la réforme du mode de scrutin législatif » avec « un principe de proportionnelle », soulignant qu’il devra « être enraciné dans les territoires ». Cette réforme « nous obligera à reposer en même temps la question de l’exercice simultané d’une responsabilité locale et nationale », a ajouté le premier ministre.

Un déficit public de 5,4% en 2025 

Avec un déficit de 6,1% du PIB, le Premier ministre vise un retour au chiffre de 5,4% du PIB en 2025 et à 3% en 2029. François Bayrou n’a pas donné plus de détails sur le Projet de loi de finances qui sera examiné dès demain au Parlement, si ce n’est l’effort demandé aux collectivités, qui est revu à la baisse par rapport à celui envisagé par le gouvernement de Michel Barnier : 2,2 milliards d’euros au lieu de 5 milliards. Et, aussi, « une hausse notable »de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (ONDAM)qui permettra« d’améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles », a promis le chef du gouvernement. Par ailleurs, « la mesure de déremboursement de certains médicaments et de consultations ne sera pas reprise », a-t-il ajouté.

Le chef du gouvernement semble plutôt pencher pour des économies de 50 milliards d’euros en 2025, soit 10 milliards de moins que ce que visait Michel Barnier. Sans toutefois en dire davantage sur le périlleux équilibre à trouver entre les dépenses et les recettes de l’État, qui a cristallisé les désaccords entre les différentes oppositions lors du précédent examen budgétaire. 

Derrière les mots et la formule résumant son projet, celle d’une « promesse française »la véritable épreuve pour François Bayrou résidera dans sa capacité à concrétiser ces ambitions dans un climat politique plus fragmenté que jamais. Les compromis nécessaires pour avancer sur des dossiers aussi sensibles que celui des retraites ou du budget risquent de se heurter à de lourdes résistances. La motion de censure déposée par la France Insoumise – les écologistes ont annoncé qu’ils la voteront jeudi – à l’issue du discours de François Bayrou ne devrait pas être adoptée, le Rassemblement national ayant affirmé s’abstenir. Clé de la survie du gouvernement, le Parti Socialiste estime, pour l’heure, que le « compte n’y est pas », selon les mots du président du groupe PS à l’Assemblée, Boris Vallaud. Une position qui pose deux questions : l’exécutif se dirige-t-il vers le même sort que celui de Michel Barnier ? Et si oui, à quel horizon ?

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