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Économie

Thierry de La Tour d’Artaise : « Qui dit augmentation des surfaces dit amélioration de la productivité »

Le président du Groupe SEB, qui préconise « de produire tout près du lieu où nous allons vendre », explique en quoi le nouvel investissement du groupe sur l’usine Krampouz peut optimiser industrie, logistique et innovation.

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Le Groupe Seb possède une multitude de marques, dont Krampouz, une marque de légende. En quoi cela constitue-t-il un atout ?

Thierry de La Tour d’Artaise Le Groupe SEB est une société très ancienne : nous avons 167 ans ! Ce qui nous amuse beaucoup, c’est de nous dire que si nous cumulons l’âge des 35 marques que nous détenons, nous avons plus de 3 000 ans d’existence, d’innovation et de relation de proximité avec les consommateurs du monde entier. Krampouz, notre dernière acquisition, qui date de 2019, vient compléter ce tableau à la perfection. C’est une entreprise du patrimoine vivant. 

Derrière son succès, Krampouz, c’est avant tout le récit d’une histoire familiale … 

T. D. L. T. D’A. C’est en 1945 que naît la première crêpière. À la demande de sa belle-sœur, Jean-Marie Bosser, électricien et réparateur de radios originaire de Pouldreuzic, dans le Finistère, confectionne un tout premier modèle : un réchaud à gaz adapté aux plaques en fonte alors utilisées dans les maisons bretonnes. Face au succès, Jean-Marie Bosser entreprend la construction d’un prototype complet, avec des moyens rudimentaires. La commercialisation des premières crêpières débute en 1949. En 1953, la marque est déposée. Elle porte officiellement le nom de Krampouz, ce qui signifie tout simplement « crêpe » en breton. Son histoire singulière ne fait pas figure d’exception : Jean Mantelet, le fondateur de Moulinex, un des leaders mondiaux du petit électroménager, a inventé le presse-purée à la demande de sa femme. C’est aussi le cas de Marc Grégoire avec son invention du revêtement antiadhésif, qui recouvre les célèbres poêles Tefal.

Quel est le niveau d’investissement pour l’extension de l’usine Krampouz, à Pluguffan, dans le Finistère ? Et que représente-t-il pour le développement de la marque ? 

T. D. L. T. D’A. D’un point de vue économique, notre entreprise se porte très bien. Malgré la crise sanitaire du Covid-19, notre chiffre d’affaires a augmenté d’environ 40 % depuis 2019. Leader mondial de la crêpière professionnelle, le Groupe SEB est également à la tête du marché européen de la plancha avec, d’un côté, la marque Krampouz et, de l’autre, la marque Forge Adour, acquise en juillet 2023. Nous produisons aussi différents modèles de gaufriers, adaptés à chaque pays. S’agrandir était donc une nécessité. Dans un objectif de production et d’efficacité, nous avons investi dans des surfaces industrielles – la tôlerie flambant neuve en est un bel exemple –, dans un entrepôt logistique ainsi que dans des surfaces dédiées à la recherche et au développement, l’innovation étant essentielle à notre métier.

Quelles sont les retombées économiques, en termes d’emploi, attendues d’un tel investissement ?

T. D. L. T. D’A. D’un montant de plus de cinq millions d’euros, cet investissement vise à améliorer l’innovation, la logistique et l’industrie. Nous fabriquons approximativement 100 000 pièces par an, crêpières, gaufriers et planchas confondus. Nous souhaitons nous développer en priorité à l’international. Ce marché représente seulement 30 % du chiffre d’affaires de Krampouz, mais au niveau du Groupe SEB, c’est 90 % du montant global des ventes ! La marge de croissance est importante et c’est tout l’objectif de cette acquisition. Notre stratégie est de faire bénéficier Krampouz de toutes les structures que nous possédons à l’étranger. Elles vont ainsi aider au développement de ses activités professionnelle et consommateur. Qui dit augmentation des surfaces dit amélioration de la productivité et, par conséquence, création d’emplois. C’est notre vœu le plus cher.

Quels marchés étrangers visez-vous ?

T. D. L. T. D’A. Nous exportons vers 150 pays à travers le monde entier. Mais nos cibles principales, ce sont des pays matures en Europe et aux États-Unis, où nous exportons majoritairement nos crêpières et nos planchas, mais également le Canada, le Maghreb, le Moyen-Orient et le Mexique.

Face à l’envolée des coûts de production constatée ces dernières années, quelle stratégie Krampouz adopte-t-elle pour amortir ces derniers ?

T. D. L. T. D’A. En général, lorsque les matières premières augmentent, elles augmentent pour tout le monde… et deviennent alors stratégiques. C’est notamment le cas de l’inox et de l’aluminium. Nous essayons de fournir des efforts de productivité afin d’amortir les coûts de production. Mais en tant qu’entreprise française, il faut continuellement se battre, non seulement sur les prix des matières premières, mais également sur leur sécurisation. Il faut également que le gouvernement n’augmente pas les impôts de production mais, au contraire, qu’il continue à les baisser afin que nous puissions rester compétitifs sur la scène internationale.

En tant qu’entreprise française très fortement imprimée dans la conscience collective française, quel est votre avis au sujet des normes établies dans notre pays et en Europe ?

T. D. L. T. D’A. Si l’on souhaite raisonner à long terme et allier réindustrialisation et décarbonation de la France, la meilleure façon de s’y prendre est de produire tout près du lieu où nous allons vendre, puisque cela évite toute la logistique. En France, nous sommes assurés de travailler avec des normes raisonnables. Mais pour cela, il faut être vivant. Si les normes ont pour incidence d’augmenter drastiquement le prix de revient des produits, nous ne pouvons plus produire en France. Auquel cas, la délocalisation d’une partie ou de la totalité de la production devient indispensable à la survie financière de l’entreprise française. Ce qui aura donc un impact écologique et économique important. Je crains moins l’Intelligence Artificielle (IA) que l’Invasion Chinoise (IC) et que l’Inflation Normative (IN). Heureusement, il semble qu’il y ait une prise de conscience collective à ce sujet. Il est donc absolument nécessaire, pour les gouvernants français et européens, de sécuriser l’industrie française et européenne.

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