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Danantara Indonesia : le fonds souverain qui redessine les cartes de la coopération économique mondiale

À l’heure où le président Emmanuel Macron entame une visite d’État à Jakarta, tous les regards se tournent vers Danantara Indonesia, le nouveau fonds souverain indonésien. Présenté comme le bras armé économique du président Prabowo Subianto, ce fonds vise à gérer plus de 900 milliards de dollars d’actifs et à restructurer profondément le tissu économique national. Confié à un dirigeant francophile, Rosan Roeslani, il incarne une opportunité stratégique majeure pour la France. Entre transition énergétique, minerais critiques et diplomatie économique, Danantara Indonesia pourrait bien devenir un levier inédit de rapprochement entre Paris et Jakarta.

Marc Ferracci(24)

Le 7 mars 2025, au palais présidentiel de Jakarta, une scène a attiré l’attention des financiers internationaux les plus avisés. Entouré de figures majeures du monde des affaires, le président indonésien Prabowo Subianto accueillait Ray Dalio, fondateur de Bridgewater, le plus grand hedge fund au monde, pour le lancement officiel de Danantara Indonesia, le nouveau fonds souverain du pays. Un soutien de poids et une ouverture assumée : Ray Dialo a été nomméconseiller externe du fonds, non rémunéré, rapportant directement au président Prabowo. Au-delà de la garantie d’une complète autonomie pour le milliardaire américain, cette nominationest aussi le signe d’une nouvelle manière d’appréhender les affaires économiques en Indonésie… La réunion du 7 mars n’était pas seulement symbolique : elle marquait l’avènement d’un outil innovant, structurant, pensé comme le levier central de la politique économique indonésienne pour la prochaine décennie.

Un président visionnaire, un fonds à ambition systémique

Pour le président Prabowo, Danantara Indonesia n’est pas un projet technique mais un projet de nation. Le fonds a été conçu pour agréger les actifs de toutes les entreprises publiques indonésiennes, et réorienter les dividendes vers des projets stratégiques dans l’énergie, l’IA, les infrastructures ou encore la santé. Il doit également servir à moderniser ces entreprises, à commencer par Pertamina (énergie), PLN (électricité), BRI et Bank Mandiri (banque), ou Telkom Indonesia (télécommunications).

« Danantara Indonesia est le principal véhicule de notre ambition de porter la croissance économique à 8 % d’ici 2029 », a déclaré le président Prabowo. Il a également souligné que « l’Indonésie a besoin d’un capitalisme discipliné, ancré dans une stratégie souveraine, et tourné vers l’intérêt général ». La trajectoire est claire : faire de Danantara Indonesia un actif stratégique comparable aux grands fonds internationaux, à commencer par Temasek(Singapour) ou le GIC, en visant plus de 900 milliards de dollars d’actifs sous gestion à terme.

Un dirigeant au profil international

À la tête de ce fonds de nouvelle génération se trouve Rosan Roeslani, également ministre de l’Investissement. Celui-ci a longtemps été impliqué dans le dialogue économique entre l’Indonésie, les Etats-Unis et l’Europe, et il connaît parfaitement les milieux d’affaires internationaux. Il est un interlocuteur apprécié pour son professionnalisme, sa clarté stratégique et sa capacité à naviguer entre acteurs publics et privés. « Le Président a souligné l’importance d’une gouvernance solide, de la transparence et de l’obligation de rendre des comptes », a-t-il déclaré, précisant son intention de bâtir « une équipe professionnelle, ouverte aux experts dont le fonds a besoin, afin d’assurer une gouvernance de très grande qualité ». Sous son impulsion, Danantara Indonesia entend fonctionner à la manière d’un fonds souverain de référence mondiale.

Une « dream team » pour renforcer la crédibilité du projet

Dès sa création, Danantara Indonesia a constitué un conseil consultatif de prestige, qualifié de « dream team » par la presse indonésienne et internationale. On y retrouve Jeffrey Sachs, économiste de renommée mondiale, ou encore Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre thaïlandais. « C’est un signal positif pour l’économie indonésienne et pour la création d’emplois », souligne Rosan Roeslani. Ray Dalio, quant à lui, conseil externe, a été explicite dans son soutien : « J’ai parlé en direct avec M. Prabowo : selon moi, c’est l’homme qu’il faut pour mener l’Indonésie dans sa transition vers le statut de pays leader », a-t-il déclaré à Jakarta. Avant d’ajouter : « Je suis heureux d’aider l’Indonésie. Je vois un énorme potentiel de croissance et je souhaite y contribuer. » Jeffrey Sachs a lui aussi mis en avant son engagement personnel : « Mon travail est évidemment entièrement bénévole, je suis là pour soutenir le développement durable de l’Indonésie. C’est passionnant ! »

Vers une diplomatie économique assumée

Danantara Indonesia est aussi un outil de politique extérieure. En moins de deux mois d’existence opérationnelle, le fonds a signé plusieurs partenariats d’envergure : avec le Future Fund australien, pour renforcer les liens de confiance et financer des projets stratégiques communs ; avec le Qatar Investment Authority, pour la création d’un fonds conjoint de 4 milliards de dollars orienté vers les secteurs de la santé, de l’énergie et des technologie ; avec la société civile indonésienne, via un fonds fiduciaire de 1 milliard de dollars pour l’éducation, la santé et la lutte contre la pauvreté. Cette approche, mêlant stratégie domestique et alliances internationales, positionne Danantara Indonesia comme un acteur de référence dans l’écosystème mondial de l’investissement.

Une opportunité unique pour la France

La France est clairement identifiée comme un partenaire stratégique privilégié. Dans le cadre de la coopération économique renforcée entre Paris et Jakarta, Danantara Indonesia discute activement avec le groupe Eramet pour co-investir dans une usine de traitement de nickel à Weda Bay, sur l’île de Halmahera. Ce projet vise à valoriser les minerais critiques nécessaires à la fabrication de batteries électriques. Selon les mots d’un communiqué conjoint, l’Indonésie et la France entendent « créer des chaînes de valeur résilientes, notamment dans le secteur des minerais critiques, et soutenir la transition des énergies fossiles vers les énergies nouvelles et renouvelables ».

Le co-investissement franco-indonésien en gestation serait l’une des premières grandes opérations de Danantara Indonesia, et offrirait à la France un accès structurant à une filière minière clef en Asie du Sud-Est. Il constituerait surtout un jalon dans la redéfinition des relations économiques bilatérales, au moment même où le président Emmanuel Macron arrive pour une visite d’État en Indonésie.

Une architecture gagnante pour la décennie à venir

Avec Danantara Indonesia, l’Indonésie change d’échelle. Ce fonds n’est pas un outil budgétaire de plus, mais un véritable bras armé économique, doté d’une vision, d’un leadership affirmé, et de partenaires solides. Il offre aux investisseurs, aux États et aux grandes entreprises un interlocuteur stable, structuré, et résolument tourné vers l’avenir.

Pour la France, l’enjeu dépasse les seuls contrats. Il s’agit de s’arrimer à une puissance montante, au cœur de l’ASEAN, dans un contexte géoéconomique de plus en plus concurrentiel. Et Danantara Indonesia pourrait bien en être la porte d’entrée stratégique la plus crédible.

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