À l’issue d’un colloque organisé au Sénat, élus, industriels et experts ont formulé des pistes concrètes pour relancer l’industrie française. Ces contributions alimenteront le projet de loi de finances 2026 ou constitueront une base pour la future loi de relance industrielle.

Comprendre les causes de la désindustrialisation ne suffit plus : il est aujourd’hui urgent de construire des solutions concrètes. C’est dans cet esprit que s’est tenue la seconde partie du colloque « Désindustrialisation : comprendre les menaces, bâtir les solutions », parrainé par Jean-Baptiste Blanc, sénateur du Vaucluse (Les Républicains), et animé par Éric Revel, directeur de la publication de L’Hémicycle, le 30 septembre au Sénat. Cet événement s’inscrit dans la continuité de la publication du rapport de l’École de Guerre Économique, qui propose un indice multicritère inédit mesurant le risque de désindustrialisation pesant sur dix entreprises emblématiques du tissu industriel français : Alstom, Arkema, ArcelorMittal, Danone, Michelin, Renault, Sanofi, Seb, Schneider Electric et Valeo.
Ce colloque a permis de dresser une liste de propositions concrètes : autant de premières pierres pour édifier une stratégie de réindustrialisation ambitieuse. Appelé à se renouveler, ce rendez-vous a vocation à alimenter les travaux parlementaires à venir, notamment l’élaboration d’un projet de loi de relance industrielle et du projet de loi de finances (PLF) 2026. Tour d’horizon des vingt pistes avancées.
Compétitivité et fiscalité
1. Réduire les prélèvements fiscaux et sociaux sur la production pour renforcer la compétitivité des entreprises industrielles françaises et stimuler leur capacité d’innovation.
2. Clarifier et stabiliser la fiscalité de production en établissant une cartographie transparente des impôts existants et en évaluant systématiquement l’impact des décisions publiques sur l’investissement et la production industrielle.
3. Ne pas faire peser la taxe plastique européenne sur les entreprises françaises, notamment dans le cadre du PLF 2026, afin de ne pas pénaliser les industriels engagés localement.
Souveraineté industrielle et stratégie nationale
4. Adopter une ligne politique claire et cohérente en matière de souveraineté économique, incarnée par des dirigeants engagés.
5. Redéfinir le périmètre de la souveraineté industrielle française en soutenant les filières stratégiques telles que l’automobile, la sidérurgie ou le nucléaire.
6. Relocaliser certaines productions sur des segments abandonnés, là où les différentiels de coûts sont faibles et les enjeux de souveraineté forts.
7. Inclure les partenaires sociaux dans l’élaboration de la stratégie industrielle, en structurant un véritable dialogue entre syndicats, patronat et pouvoirs publics.
8. Repenser la définition d’« industrie stratégique » au niveau européen, pour inclure l’ensemble de la chaîne de valeur, y compris les fabricants de biens de consommation durables.
Gouvernance et pilotage
9. Passer du slogan à l’action concrète en activant les instances existantes comme le Conseil national de l’industrie, mais aussi en créant des groupes de travail thématiques sectoriels.
10. Conditionner le soutien ou la participation de l’État dans les groupes industriels à des engagements concrets en matière de réindustrialisation, de préférence nationale ou de maintien d’activités en France.
Cadre réglementaire
11. Intégrer pleinement le droit local et national dans la politique industrielle, en articulant les réglementations locales avec une stratégie industrielle nationale cohérente.
12. Simplifier le cadre réglementaire pour la réactivation des sites industriels fermés, en allégeant les contraintes liées à l’urbanisme, à l’environnement et à la sécurité.
13. Faciliter la reprise d’industries existantes, en levant les obstacles administratifs, financiers et juridiques, notamment pour les jeunes entrepreneurs.
14. Accélérer et simplifier les démarches administratives liées à l’installation ou à l’extension de sites industriels, avec des délais maximums contraignants pour l’instruction des dossiers.
Filières stratégiques et transition écologique
15. Reconnaître la plasturgie comme une filière stratégique, indispensable à la transition écologique et industrielle, grâce à sa maîtrise des polymères.
16. Soutenir la transition environnementale de la plasturgie en facilitant l’accès à des matières recyclées locales et compétitives et en valorisant les démarches circulaires déjà engagées.
17. Protéger les capacités de recyclage européennes, alors que l’Europe pourrait perdre 1 million de tonnes de capacités d’ici fin 2025.
18. Mettre en place des mécanismes de régulation aux frontières (par exemple taxe carbone ou normes d’importation) pour garantir une concurrence équitable face aux importations non conformes.
Formation et compétences
19. Former pour reconstruire les compétences industrielles perdues, en particulier dans les filières critiques comme le nucléaire et la sidérurgie.
20. Moderniser les contrats d’apprentissage et de professionnalisation, en les adaptant aux besoins des industries et en créant un nouveau crédit d’impôt ou un bonus sur le crédit d’impôt existant.
Face à l’urgence du déclin industriel, les parties prenantes appellent à une mobilisation à la fois politique, économique et sociale. Qu’il s’agisse de simplifier les normes, renforcer la souveraineté industrielle, redonner de la lisibilité fiscale ou moderniser la formation, toutes ces propositions dessinent un cap : reconstruire une industrie française plus compétitive, durable et souveraine. Reste à savoir combien d’entre elles seront traduites en actes législatifs dès 2026.
Ces propositions ont été avancées par plusieurs acteurs issus du monde industriel et syndical :
Patricia Drevon – Force Ouvrière
Rudy Kazi – Association des élus de France
Estelle Sauvat – Groupe Alpha
Simon Gourgaud – Polyvia
Pierre Laffont – Groupe SEB
Cédric Meston – Tupperware France
Céline Crusson-Rubio – SICOS
Archibald Bagourd – KNDS France
Arnaud Randon – DEFI GROUP SAS