Comment profiter des grands événements sportifs internationaux pour favoriser l’inclusion dans notre société ? C’est le pari de l’association Sport’ A Vie dont l’objet est d’emmener des jeunes des quartiers difficiles vivre une expérience exceptionnelle lors des JO, Coupe du monde et autres Euro de foot. Cette année, plusieurs dizaines d’entre-deux issus du Val d’Oise, de l’Essonne ou de Seine-Saint-Denis, iront au Qatar assister aux premiers matchs de l’équipe de France. Une opération positive et porteuse d’espoir au cœur de l’événement international le plus important de cette fin d’année 2022.
Les jeunes de Sport' A Vie qui vont partir au Mondial. Photo : D.R.
« Une meilleure image de soi pour une meilleure image des autres. » Tout est dit. Rachid Djouadi, le président de Sport’ A Vie et proviseur adjoint du lycée Léo Lagrange de Bondy (Seine-Saint-Denis), porte la devise de son organisation comme un mantra. Sa mission est simple : redonner aux jeunes des quartiers l’estime de soi en les mobilisant sur des événements sportifs internationaux hors-norme, où ils seront ambassadeurs du drapeau tricolore. Plus que la joie de participer à un moment historique, c’est la fierté qui transpire chez chacun des 4500 enfants qui, depuis 2002, ont participé aux Jeux olympiques ou aux différentes coupes du monde. Quant aux heureux élus qui se préparent pour le Qatar, ils sont impatients de décoller pour Doha où ils passeront dix jours de rêve avec le sentiment d’être très privilégiés. L’occasion de générer une énergie salvatrice pour celles et ceux qui portent trop souvent leur lieu de vie comme un fardeau. L’association entend ainsi leur montrer que rien n’est irréversible et que le monde de demain leur appartient.
Immersion
Cette année, la Coupe du monde de football au Qatar va donc permettre à 60 ados français, dont douze atteints d’autisme (en partenariat avec l’association Le Silence des Justes), de partager une aventure qui les conduira des stades, où l’équipe de France se produira, au désert pour un mini-raid. Mais ce n’est pas tout. Ils seront accueillis dans des familles qataries ou encore dans des compagnies multinationales. Les fans tricolores pourront évidemment laisser éclater leur patriotisme tout en s’immergeant dans le quotidien de la société qatarie pour découvrir une autre culture et, sans doute, mieux appréhender la différence. « Notre philosophie est d’héberger les élus dans des sites avec des habitants, insiste Rachid Djouadi pour rappeler que les temps changent. Sur place, les femmes ont depuis quelque temps le droit de monter leur entreprise. Et ce sont des entrepreneuses locales qui nous prépareront les repas. »
Banlieue, quartiers nord, REP ou REP+… quelles que soient les politiques de la ville menées, les problèmes d’intégration sont encore d’actualité et les initiatives comme celle de Sport’ A Vie prennent tout leur sens pour contribuer à une société plus inclusive. En commençant par réfléchir aux représentations des uns et des autres. Car la mission de l’association s’appuie sur le concept d’éducation à l’image : chaque participant se transforme en reporter une fois sur place. « La thématique sportive comme support pédagogique s’est imposée car elle permet de mettre en œuvre des projets signifiants pour les enfants, peut-on lire sur le site de l’association. Les métiers de la production de contenus et leur dimension éducative font le lien avec la perception des jeunes, l’effet miroir de la société et la compréhension du regard de l’autre. » On s’en doute, la force du projet réside dans l’engagement de ces jeunes, qui voyagent bien souvent pour la première fois et vivent une expérience hors du commun. Car, outre la rencontre avec les Bleus, vivre l’électricité de l’instant est unique. « On est impatient d’aller dans le désert. On a vu des photos, ça a l’air complètement dingue », témoigne Jalal, 15 ans, habitant des Ulis (Essonne).
Vivre ensemble
Si le projet fait écho à des enjeux de société chers à l’État, il s’appuie essentiellement sur des financements privés. Des mécènes accompagnent l’association depuis le début et financent le ticket magique pour les heureux sélectionnés. « L’engagement des partenaires est lié à leur implantation locale, souligne Rachid Djouadi. Ainsi, TotalEnergies ou Veolia soutiennent notre mission et organisent des visites de leurs sites sur place pour les élèves qui découvrent ainsi différents métiers. » Vivre ensemble, un objectif capital inscrit dans l’ADN de cette opération. Rachid Djouadi de poursuivre : « On le sait bien, les tensions entre les quartiers sont fortes. Et nous voulons justement mélanger des habitants de toute la banlieue pour qu’ils se parlent, se comprennent et s’apprécient. Les rivalités sont souvent dues à un manque de dialogue ou des représentations fausses ». Et ça marche. Aucun problème à signaler ; au contraire comme le rappelle Noah, 16 ans, également des Ulis, qui sera du voyage : « On va sans doute se regarder au début, mais je suis sûr qu’on va kiffer. On a tous envie de voir l’équipe de France et de rencontrer des stars comme Kylian M’Bappé ou Karim Benzema ».
L’ambition portée par l’association fait écho aux appels si souvent lancés autour du « mieux vivre ensemble » et de la citoyenneté, si importants aujourd’hui, au moment où le séparatisme gangrène certaines zones de notre territoire. L’éducation par l’image défendue par Sport’ A Vie propose une approche innovante qui joue sur les codes de la jeunesse marqués par les réseaux sociaux. À chaque fois qu’un enfant partage son expérience auprès de ses amis, sa famille, ses camarades de classe, il délivre un message positif centré sur la diversité. Sont déjà programmés par les reporters en herbe des conférences, des vidéos, des articles… qui seront largement diffusés. A cet égard, l’association ne se limite pas aux événements sportifs puisque, toute l’année, elle sillonne la France pour animer des ateliers sous forme de conférences de rédaction afin que chacun puisse s’investir en exposant un point de vue ou aiguiser son regard.
La mission est, bien entendu, immense, mais chaque action, même modeste, va dans le bon sens. Et quand on demande à Rachid Djouadi s’il est parfois découragé quand surviennent des incidents dans les quartiers, il sourit : « Quand je regarde dans le rétroviseur, je suis tellement fier. Nous n’avons laissé personne au bord de la route. Nos jeunes ont fait des études et se sont parfaitement intégrés dans notre société. Je suis conscient des réalités, mais je reste optimiste quand je vois ce qu’ils sont devenus ».
Association Sport’ A Vie
- 2001 : Fondée à La Courneuve
- 2002 : Premier projet, lors de la Coupe du monde à Séoul
- 2022 : 60 jeunes dont 12 autistes partent au Qatar
- 180 000 journées d’animation
- 4500 jeunes envoyés sur les grands événements
- 90/10 : financement privé/ public
- 50/50 : parité
Les interviews des jeunes de l’association Sport’ A Vie
- Bilel – https://youtu.be/DVeCFrYRrXE
- Erwann – https://youtu.be/NeZAgmjuMCI
- Fharel –https://youtu.be/cV05MSKZa8o
- Noah – https://youtu.be/diczDsxH6KI
- Et Rachid Djaoudi – Président de Sport’ A Vie –https://youtu.be/BECZ0oiVb8k