Dette, finances publiques, loi immigration… Le premier président de la Cour des comptes, qui vient de publier Mes meilleures années, était l’invité du Club Hémicycle.
Tenu au devoir de réserve, en raison de sa fonction de premier président à la Cour des comptes, Pierre Moscovici ne fait plus de politique. Mais l’ancien membre du Parti socialiste n’a pas perdu sa liberté de penser et il n’a « pas subi de greffe du cerveau ». Lui qui a été conseiller départemental, puis régional, député, député européen, ministre chargé des Affaires européennes puis de l’Économie et des Finances, commissaire européen possède une riche expérience, dont il a voulu rendre compte dans un livre de souvenirs Mes meilleures années (Éditions Gallimard). « J’ai eu envie de témoigner, d’abord pour des raisons intimes : je suis devenu père très tard d’un enfant qui a cinq ans aujourd’hui, et j’ai envie qu’il sache quel a été le parcours, la vie, les idées de son père », confie-t-il à Éric Revel, dans le Club Hémicycle. Parmi les autres raisons qui l’ont poussé à prendre la plume, il y a ces tendances qui l’« inquiètent » et lui « déplaisent » : « une sorte d’affaissement du débat démocratique, une violence, une perte de sens ».
Interrogé sur le rejet de loi sur l’immigration à l’Assemblée nationale, Pierre Moscovici a relevé que ce vote constituait un « événement » du fait que les députés des Républicains et du Rassemblement national avait, pour la première fois, décidé de voter ensemble contre le gouvernement. « C’est un événement parce que cela veut dire que désormais, le gouvernement pourrait tomber. »
Le premier président de la Cour des comptes et du haut conseil des finances publiques a surtout rappelé, comme il l’avait dans un grand entretien à L’Hémicycle cet automne, que la situation économique était préoccupante compte tenu du poids de la dette et de l’état des finances publiques. « L’année dernière, il y avait deux pays qui étaient plus endettés que la France, la Belgique et l’Espagne, ils sont derrière nous maintenant, pointe-t-il. Je dis : attention, ce n’est pas notre place. » Il a rappelé que le service annuel de la dette, c’est-à-dire la charge du remboursement de la dette, a plus que doublé depuis 2021, passant de 21 milliards d’euros à 46, et il sera à 75 milliards d’euros en 2027. Dès lors, « comment peut-on financer les investissements nécessaires à la transition énergétique, à la transition numérique, à l’investissement et la recherche, à l’innovation, à la modernisation de l’hôpital, à l’éducation nationale ? Je dis qu’il faut absolument reprendre une pente qui fait que cela s’inverse, et fortement. »
Comment faire ? Trois leviers sont disponibles, selon lui. La croissance, en premier lieu, qui génère des recettes. Mais, « ne nous faisons pas d’illusion, nous ne sommes pas partis pour de nouvelles Trente Glorieuses. » Il y a ensuite la fiscalité, autrement dit les hausses d’impôt. « Il y a dix ans, j’avais prononcé une phrase, comme ministre de l’Économie et les Finances, qui ne m’avait pas valu que des amis, notamment à gauche : le ‘ras-le-bol fiscal’. Avec 45% de prélèvements obligatoires, j’avais raison il y a dix ans, j’ai encore plus raison aujourd’hui. En revanche, je suis pour une stabilité fiscale, avec certains impôts qui augmentent et d’autres qui baissent. » Le troisième levier, c’est la maîtrise de la dépense publique – aujourd’hui 58 % du PIB. Pierre Moscovici préconise le lancement de revues de dépense, afin de « soulever le capot et voir ce qui marche et ce qui ne marche pas ». Et de rappeler cette échéance : dans le projet de loi de finances 2025, il faudra trouver 12 milliards d’économies pérennes. « Il faudra changer de braquet. »
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