Comment définir les stratégies d’adaptation ? Quels sont les défis politiques, technologiques et sociaux à relever ? Quels leviers pour la décarbonation ? Toutes ces questions ont été abordées lors d’un colloque sur ce thème.
Inondations, sécheresses, canicules, feux de forêt, tempêtes… mettent régulièrement en péril la sécurité des personnes et des biens. « Face à ces risques, nos territoires doivent donc s’adapter. Comme le définit le GIEC, l’adaptation consiste à mettre en œuvre les mesures d’ajustement liées au changement climatique afin d’en atténuer les impacts sur les systèmes humains, les infrastructures et les milieux naturels », a souligné Anthony Briant, directeur de l’École des Ponts ParisTech, en introduction du colloque « Changement climatique : comment les territoires s’adaptent-ils ? », le 7 décembre 2023, à Paris. Cette grande école d’ingénieurs a intégré la fréquence élevée de ces phénomènes pour construire des infrastructures capables de leur résister, explique Anthony Briant. « À l’École des Ponts, le changement climatique est le point central autour duquel on pense nos recherches et nos enseignements, avance-t-il. Il faut qu’on trouve des solutions maintenant. » Un sujet technique, mais aussi politique et un enjeu de justice sociale.
Comment définir les stratégies d’adaptation ? Quels sont les défis politiques, technologiques et sociaux à relever ? Quels leviers pour la décarbonation ? Qui doit s’adapter, à quel coût et qui doit le financer ? Experte de l’adaptation au changement climatique à l’OCDE, Catherine Gamper plaide pour que les États adaptent davantage leurs territoires face aux aléas climatiques extrêmes qui se succèdent partout sur la planète. C’est le message qu’elle a passé lors du colloque du 7 décembre. « On sait qu’on doit s’adapter, dit-elle. On des plans exhaustifs sur l’adaptation à l’échelle nationale, mais comment les mettre en œuvre ? C’est encore une grande question que beaucoup de pays se posent. » Catherine Gamper espère ainsi sensibiliser les acteurs. « Cette évolution des coûts des impacts du changement climatiques, c’est la base pour proposer ensuite, des mesures d’adaptation pour savoir comment cela s’évalue en termes de coûts/bénéfices. »
Face aux catastrophes naturelles extrêmes qu’engendre le changement climatique, nos réseaux électriques, numériques et routiers sont vulnérables et interdépendants. « Interdépendance électrique/réseau télécom, télécom/réseau ferroviaire », précise quant à elle Anne Faure, cheffe de projet économie numérique à France Stratégie. Pour prévenir les aléas liés au réchauffement, elle plaide pour une coordination et une mutualisation des données entre opérateurs. « Le numérique est partout, souligne-t-elle, dans la distribution des réseaux électriques, dans la gestion des routes, dans la gestion des réseaux ferroviaires. » Si ces réseaux numériques sont touchés ou HS, les conséquences sur les autres réseaux peuvent être conséquentes.
Vincent Viguié, lui, est économiste. « La première spécificité du réchauffement climatique, c’est que c’est un phénomène en constante évolution. Il ne sera stabilisé qu’une fois que le monde aura atteint zéro émission nette », indique-t-il. Pour ce chercheur à l’Ecole des Ponts ParisTech, le chiffrage de l’adaptation au changement climatique se heurte à cette difficulté : ne pas savoir à quel stade le réchauffement climatique va s’arrêter, et donc ne pas pouvoir estimer, avec précision, tous ces impacts. Une certitude : les grandes infrastructures du pays doivent être adaptés massivement. Des solutions sont déjà à l’œuvre.
Avec le changement climatique, Emmanuel Dommergues, expert du transport public à l’UITP, a vu émerger le risque de paralysie des réseaux, liés aux inondations ou aux incendies par exemple, mais aussi les solutions mises en œuvre dans le monde pour maintenir leur système de transport. Des villes et des collectivités ont su réagir, à l’image de Tokyo dont l’approche globale pour protéger ses infrastructures est un exemple. La gouverneure de la capitale japonaise a établi un plan d’actions doté de 120 milliards de dollars jusqu’en 2040, par exemple pour réaménager des cours d’eau ou créer d’immenses piscines souterraines pour stocker les excès d’eau de pluie. « On parle énormément de la décarbonation de nos sociétés mais pas suffisamment de l’adaptation au changement climatique », complète Arthur Cormier, junior manager sustainable development à l’UITP. Or, l’inaction a un coût, et il est lourd, comme l’avait rappelé l’économiste Patrice Geoffrondans un hors-série de L’Hémicycle consacré à la décarbonation de la route et de l’autoroute.
En conclusion, Lucile Schmid vice-présidente de La Fabrique Ecologique a insisté sur la nécessité d’associer l’ensemble des citoyens aux mesures d’adaptation à mettre en œuvre.Pour rendre ce débat accessible, le vocabulaire joue un rôle important. « Le terme d’adaptation dit quelque chose à tout le monde, souligne-t-elle. Parce que dans notre vie quotidienne, on s’adapte en permanence, à des transformations, à un changement de contexte professionnel… » Le terme « adaptation » est donc, selon elle, beaucoup plus compréhensible que celui de « transition ». Or, chacun des spécialistes l’entend différemment. Si certains parlent d’efficience en termes de coopération entre acteurs ou de financement, « on ne parle pas de la manière de convaincre un certain nombre de personnes, par exemple, à renoncer à leurs comportements, à leurs biens ». Elle conclue : « J’aurais tendance à dire que le message essentiel qu’il faut qu’on adresse, c’est celui de l’efficience démocratique lorsqu’il s’agit de changer la manière dont on envisage son logement, son transport, voire son alimentation. L’envie de comprendre et la nécessité d’expliquer sont inséparables de l’écologie. »
Avec les interventions de nombreux élus et experts :
Anthony Briant – directeur de l’École des Ponts ParisTech
brechet yves – directeur scientifique de Saint Gobain
Anne Faure – chef de projet économie numérique France Strategie
Jean-Michel Pereira – professeur et chercheur de l’École des Ponts ParisTech (laboratoire Navier)
Alain Sauvant – directeur de l’Autorité de la qualité de service dans les transports
Emmanuel DOMMERGUES – head of the governance unit and senior committee manager à l’Union internationale des transports publics
Caroline Gallez – directrice de recherche de l’Université Gustave Eiffel (Laboratoire Ville Mobilité Transport – UMR Ecole des Ponts ParisTech/UGE)
Sébastien Olharan – maire de Breil-sur-Roya et conseiller départemental des Alpes-Maritimes
Vivian Dépoues – chercheur senior à l’I4CE
Vincent Viguié – chercheur de l’École des Ponts ParisTech (Laboratoire Cired)
Christophe Boulanger – conseiller municipal délégué, ville de Tours
Catherine Desiree Gamper – chef de projet à l’OCDE
Christophe Hug – directeur général adjoint en charge de la maîtrise d’ouvrage VINCI Autoroutes
Auguste Gires – chercheur de l’École des Ponts ParisTech (laboratoire HM&Co)
Lucile Schmid – vice-présidente La Fabrique Ecologique
Échanges animés par Cécile Desjardins – journaliste, rédactrice en chef adjointe de l’Opinion.