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Les grandes écoles à l’heure des transitions

La dimension RSE est désormais centrale dans la stratégie des grandes écoles, aussi bien sur le plan pédagogique que dans l’organisation que dans le recrutement des candidats.

Marc Ferracci(10)

Elles ont bien compris qu’elles jouent un rôle majeur pour imaginer un futur souhaitable. Les grandes écoles de commerce, comme celles d’ingénieurs, ont placé cet enjeu au cœur de leur stratégie, et surtout de leur pédagogie, où les mots climat, environnement, impact, RSE ou encore solidarité font partie du lexique de base. Il est désormais impossible de former une élite sans une conscience citoyenne aiguisée, documentée et engagée. Une position fondamentale, au moment où le « Backlash »écologique s’impose aux États-Unis, et même en Europe, où les contraintes imposées aux entreprises ont récemment été desserrées avec la loi Omnibus « véritable aveu d’un renoncement à l’ambition climatique du continent », commente Nathalie Vallier, experte RSE.

Prise de conscience générale

Parmi les institutions que nous avons sondées dans ce banc d’essai, toutes ont lancé des initiatives avec leurs étudiants, mais également avec leurs enseignants-chercheurs, qui publient massivement sur les conséquences du nouveau paradigme environnemental. Le lancement par l’Edhec – reconnue mondialement pour son expertise en finances – d’un Centre for Net Business (voir entretien p. XX), afin d’imaginer de nouveaux modèles positifs pour la planète, est un signe fort de la prise de conscience générale.

« Face à l’accélération des crises, les approches centrées sur la minimisation des dommages se révèlent insuffisantes. Tout en restant rentables, les entreprises doivent contribuer activement à la régénération de leur environnement », déclarait Emmanuel Métais, directeur général de l’Edhec.

Si les contraintes de publication de données ESG se réduisent, les meilleurs établissements ne lâchent rien. L’ex-ministre Frédérique Vidal avait d’ailleurs, avec l’aide du scientifique Jean Jouzel, déployé un module de sensibilisation aux défis de la transition écologique et du développement durable pour l’enseignement supérieur. « Parmi toutes nos recommandations, une seule est chiffrée : 100 % des étudiants doivent être formés aux enjeux environnementaux. »

Mais l’enjeu va au-delà, comme on le découvre dans ce dossier. Les grandes écoles s’impliquent, mais sont également sommées d’agir. Les coups de gueule de certains collectifs militants bousculent les directions en exigeant des actes concrets. On se souvient que des partenariats industriels avaient été bloqués dans de prestigieuses maisons par les étudiants eux-mêmes, exigeant plus de vertus chez les sponsors, et relevant une certaine incohérence à la suite d’accords avec des entreprises polluantes ou du soutien à des carrières dans des secteurs controversés (luxe, finance spéculative…).

On pense à la mobilisation des étudiants de HEC, de Polytechnique et d’AgroParisTech, qui ont lancé le Manifeste pour un réveil écologique afin d’alerter le monde avec un message sans détour : « Malgré les changements irréversibles d’ores et déjà observés à travers le monde, nos sociétés continuent leur trajectoire vers une catastrophe environnementale et humaine », peut-on lire en page d’accueil de leur site.

Excellence pour tous

La création du label DD&RS, un référentiel national validant une démarche autour du développement durable, est un véritable marqueur. Bon nombre d’universités et d’écoles se mobilisent pour répondre aux critères de cette nouvelle accréditation, qui permet d’avancer aussi bien avec les personnels qu’avec les élèves. C’est une façon d’intégrer toutes les préoccupations TSE au cœur des enseignements, afin qu’aucune activité pédagogique n’échappe à la mise en œuvre des grands principes.

Bien sûr, les grandes écoles de commerce ne vont pas, à elles seules, tout révolutionner. Mais il semble évident que les futurs managers, une fois aux manettes des organisations publiques ou privées, peuvent contribuer à changer les choses.

Sur le plan de l’inclusion, les progrès sont sensibles, et elles sont nombreuses à faire des efforts importants pour rayonner au-delà de leur communauté naturelle, composée des élèves et des entreprises. Ainsi, HEC a récemment annoncé la formation de 10 000 jeunes et femmes vulnérables à l’entrepreneuriat. « Toutes ces initiatives visent à conforter notre impact dans la société et l’économie française », déclarait Éloïc Peyrache, le directeur général. Une initiative unique qui trouve un écho parmi l’ensemble des autres écoles.

Entre les Cordées de la réussite – qui consistent à accompagner des jeunes issus de milieux modestes ou de territoires défavorisés –, les bourses au mérite, les divers soutiens des fondations ou encore l’engagement associatif des étudiants, les initiatives sont très nombreuses et témoignent, au niveau des institutions, d’une véritable quête de sens. Dernière initiative originale : l’Extension School de l’ESCP, qui permettra aux personnes désireuses de suivre une formation de haut niveau à coût abordable. « Nous visons les cadres de proximité en activité, qui souhaitent monter en compétences et qui n’auraient jamais pensé à une grande école professionnalisante comme la nôtre, en raison du prix ou de la sélectivité. Aujourd’hui, nos premiers candidats sont en plus financés via leur compte CPF. Cela correspond à notre vision de l’excellence pour tous », analyse Léon Laulusa, directeur général de l’ESCP.

Apprentissage

L’inclusion a sans aucun doute gagné du terrain grâce à l’apprentissage, qui a grandement favorisé une population qui n’aurait pas opté pour une grande école sans cela. Selon la CDEFM1, près de 50 % des étudiants en apprentissage n’auraient pas suivi de PGE sans l’alternance.

Si HEC n’a pas fait ce choix, toutes les autres grandes écoles ont adopté les filières en apprentissage pour les candidats qui le souhaitent, avec la bénédiction des employeurs, qui peuvent ainsi prérecruter une main-d’œuvre qualifiée très en amont.

Les sommes consenties par les écoles ont aussi explosé pour renforcer le soutien aux jeunes dans le besoin. Ainsi, dans une institution comme l’ESSEC, 379 bourses ont été attribuées par la Fondation.

Autre méthode : le double appel pour les boursiers, une procédure qui permet à ces étudiants de recevoir davantage d’opportunités d’intégrer une école de commerce, même s’ils sont classés un peu plus bas dans les concours.

Si la période est parfois au bashing des business school, force est de constater qu’elles consentent désormais des efforts notables. Comme en témoigne par ailleurs les investissements dans les nouveaux locaux respectant des règles environnementales élevées.

Une stratégie qui coche donc toutes les cases et qui devrait redonner une image plus conforme aux efforts déployées désormais par nos fleurons de l’enseignement supérieur.

1/ Conférence des directeurs des écoles Françaises de management

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